La Vraie Carte du monde. Chéri Samba (né en 1956). 2011. Acrylique et paillettes sur toile. Collection fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris © Galerie MAGNIN-A, photo : Florian Kleinefenn
Mondialités : d’autres possibles
Rencontres autour de l’exposition « Une autre histoire du monde ».
L’exposition « Une autre histoire du monde » au Mucem convie à lire le monde du XIIIe au XXIe siècle : elle ne prétend pas représenter cette histoire dans son intégralité, mais cherche des perspectives et des points de vue multiples pour appréhender les mondialisations successives depuis des sources et des constructions historiques et culturelles extra-européennes. Autour de la présentation de l’exposition, deux jours de rencontres (conférences, débats, projections, visites) vous invitent à explorer des mondialités alternatives et des récits qui renouvellent les conceptions et les pratiques scientifiques, artistiques et muséales.
En partenariat avec le programme GlobalMed (Maison méditerranéenne des sciences de l’homme), la Fondation Camargo, l’association Ancrages et le musée d’Histoire de Marseille.
Coordination Aude Fanlo, en collaboration avec Camille Faucourt et Daniel Tödt
Mardi 30 janvier 2024
Hors les murs (Musée d’Histoire)
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18h00 - 20h00 : Table ronde
Colonisations. Notre histoire : du local au global
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Table ronde, organisée par l’association Ancrages dans le cadre des mardis de l’Histoire, rendez-vous bimensuels à l’auditorium du musée d’Histoire de Marseille et l’association Ancrages, en partenariat avec le Mucem.
Comment écrire l’histoire des colonisations, du global au local ?
À l’occasion de la parution récente de Colonisations. Notre histoire (Seuil) dirigée par Pierre Singaravélou, cette table ronde propose de revenir sur cette question ancienne qui a été profondément renouvelée par de nouvelles approches épistémologiques. Elles remettent radicalement en question les romans nationaux et les traditionnels récits européocentrés et valorise le concept de micro histoire globale.
L’enjeu réside également dans les interpellations qu’elle suscite auprès des citoyens et des « héritiers » de cette histoire. La ville de Marseille offre une illustration emblématique de l’héritage statuaire, archivistique et institutionnel de cette interrogation et se situe au cœur de la valeur conflictuelle du patrimoine, hérité de la colonisation.
Pierre Singaravélou propose ici une autre manière d’aborder l’histoire de la mondialisation, appréhendée » par le bas « , et par l’approche critique de la production des savoirs à l’époque coloniale dont les héritages restent puissants.
Guillaume Calafat revient sur les enjeux méthodologiques et historiographiques du rapprochement entre approche micro-analytique et une histoire pensée à large échelle.
Ces travaux récents permettent de décentrer le regard et de revisiter notre propre histoire des colonisations.
Avec Aurélia Dusserre (Iremam) et Catherine Atlan (IMAf), historiennes, nous évoquons l’histoire locale, au prise d’une histoire coloniale à travers des lieux et les portraits, révélés par les recherches menées dans le cadre du projet collectif A*Midex Mars Imperium, dirigé par Céline Regnard et Xavier Daumalin (AMU- Telemme).
Mercredi 31 janvier 2024
Mucem J4 (auditorium) - entrée libre
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9h15 Accueil
9h30 – 12h00 : Conférences et débats
En perspectives
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L’exposition invite non pas seulement à penser le monde, mais plutôt à « penser avec le monde », selon l’expression d’Edouard Glissant.
Renouveler les manières de raconter l’histoire mondiale est affaire de mobilité et d’agilité : écritures produites depuis plusieurs voix, depuis différents foyers de pensée et diverses sources, capacité à se déplacer dans ses propres catégories et références, symétrie et réciprocité des récits, attention portée aux connexions et aux interactions au sein d’un monde globalisé.
Cette démarche est aussi une affaire d’optique : ce sont les changements de perspectives, de focales, d’échelles, de cadrages et de points de vue qui construisent et modifient nos représentations culturelles. En préambule à la présentation de l’exposition, cette matinée convie des spécialistes d’histoire, d’histoire de l’art et d’anthropologie à échanger sur des questions posées à la construction des connaissances, des imaginaires et des représentations.
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9h30
Histoires connectées de la Méditerranée
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Manuel Borutta (historien, Université de Konstanz), Céline Regnard (historienne, Aix-Marseille Université) et Mostafa Hassani Idrissi (historien, Université de Rabat)
En discussion avec Guillaume CALAFAT (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)La Méditerranée, mer médiane entre les terres, est l’espace à géométrie variable des interconnexions entre trois continents. Elle est souvent perçue comme un mythe occidental abstrait de « berceau des civilisations », comme un vecteur d’échanges et d’influences, mais aussi de rivalités et de dominations. Comment la perspective globale renouvelle-t-elle les études historiennes sur la Méditerranée ? Comment cela éclaire-t-il les enjeux contemporains ?
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10h30
L’ethnographie comme exercice d’écriture : l’exemple des mondialités du vin
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Boris Pétric (Centre Norbert Elias, CNRS)
L’ethnographie se place entre l’expérience singulière à hauteur humaine, et un monde globalisé. Produire des écritures documentaires alternatives, ce n’est pas seulement traduire des données de recherche, c’est se mettre dans la situation instable de raconter une histoire, pour en faire une situation d’enquête.
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11h00
Une autre histoire des arts et de la création artistique
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Dialogue entre Lea Saint Raymond (économiste et historienne des arts, École normale supérieure), Laurent Van Lancker (anthropologue et réalisateur, chaire d’excellence d’Aix-Marseille Université)
Modération : Salima Tenfiche (Mucem, EHESS)Comment écrire une histoire mondialisée de la création artistique? Deux propositions seront mises en regard : une histoire globale des arts par « fragments » à partir de l’analyse d’œuvres hybrides ou traversées d’influences multiples, et une perspective sur la standardisation et globalisation des industries cinématographiques.
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12h00 Déjeuner
13h30 – 15h30 : Conférences et débats
Parcourir « Une autre histoire du monde »
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Parcourir l’exposition, ce n’est pas en faire le tour, ni en figer les contours : le parcours muséographique se construit comme une déambulation dans l’espace d’exposition, une expérience de visite qui est aussi une manière de cheminer en adoptant une « démarche » globale.
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13h30
L’histoire globale en cinq questions
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Dialogue entre Christian Grataloup (Université Paris Cité) et Richard Drayton (King’s College London), en discussion avec Guillaume Calafat (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
En introduction, deux pionniers des études de la mondialisation reviennent sur leur expérience tout en répondant librement aux cinq questions qui ont guidé la conception de l’exposition et en balisent le parcours : Quand commence l’histoire ? Qu’est-ce que le temps et l’espace ? D’où raconte-t-on ? Qui découvre quoi ? Comment sommes-nous devenus globaux ? Comment faire face au vol de l’histoire et comment se la réapproprier ?
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14h15
Dans les coulisses de l’exposition « Une autre histoire du monde »
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Présentation par les commissaires Camille Faucourt (Mucem), Pierre Singaravélou (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Fabrice Argounès (Université de Rouen), Fanny Villez et Laurent Sick (KASCEN), en discussion avec Sarah Ligner (musée du quai Branly - Jacques Chirac), Nanette Snoep (musée de Cologne) et Nathalie Bondil (Institut du monde arabe)
Pour préparer ou prolonger la visite de l’exposition, les commissaires et les scénographes de l’exposition font découvrir pas à pas les œuvres et le parcours, expliquent les partis-pris scientifiques et scénographiques adoptés et les mettent en discussion avec des responsables de musées pour s’interroger ensemble sur les choix muséographiques, la relecture des collections et les récits produits par les musées.
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15h30 Pause
15h45 – 17h00 : Conférences et débats
Philosophie d’une autre mondialité
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Conférence de Souleymane Bachir Diagne (philosophe des sciences, Columbia University)
Discutant : Pierre-Paul Zalio (Campus Condorcet)Souleymane Bachir Diagne est philosophe des sciences, de l’Islam et de l’Afrique. Il développe une réflexion sur la décolonisation des savoirs, des imaginaires et des cultures, qui est une pensée politique et philosophique de la pluralité, plaçant l’universel non comme une notion européano-centrée mais comme l’horizon commun futur d’un monde multipolaire.
Après avoir été vice-doyen de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, il est aujourd’hui professeur dans les départements de Français et de Philosophie de l’Université de Columbia, à New York, où il dirige également l’Institut d’Études africaines. En 2023, il est professeur invité à l’École Normale supérieure. Distingué par de nombreux prix, il a publié des ouvrages sur le logisticien George Boole, les poètes Mohamed Iqbal et Léopold Sédar Senghor. Parmi ses publications récentes : En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale (avec Jean-Loup Amselle) (Albin Michel, 2018), La controverse. Dialogue sur l’islam (avec Rémi Brague) (Stock, 2019), De langue à langue (Albin Michel, 2022).
Pierre-Paul Zalio est sociologue et président du Campus Condorcet. En 2018, il a fondé « La Scène de recherche », dispositif de travail entre sciences et arts au sein de l’ENS Paris-Saclay. Co-fondateur en 2023 de « L’Université en Exil» (UXIL), il lance en 2024 à Aubervilliers le festival « Printemps des Humanités » où se confronteront savoirs issus des sciences sociales, expériences sociales et propositions artistiques.
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17h30-22h30 : soirée de projection débats
Kaléidoscope
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Pour poursuivre la rencontre autour de l’exposition « Une autre histoire du monde », une proposition de créations visuelles, sonores ou documentaires, suivie d’une discussion avec leurs auteurs et autrices, comme un kaléidoscope réfléchissant des récits possibles du monde.
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17h30
Et si Ganda s’était sauvé ?
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Fiction radiophonique de Chloé Despax. France. 31 mn.
Production Mondes nouveaux (Ministère de la culture) et Radio Grenouille/Euphonia. Médaille d’or Prix Fiction jeunesse aux Radio New-York Awards 2023 et Prix de la création Jeunesse au Festival Longueurs d’ondes 2023.
Chloé Despax a également réalisé l'installation sonore sur les traditions orales de l'exposition « Une autre histoire du monde ».« Et si Ganda s'était sauvé ? » est une fiction radiophonique basée sur le passage (réel) d'un rhinocéros indien, sur l'île d’If en l'an 1516. Partant de ce fait historique étonnant, des enfants de Marseille se sont questionnés sur leur relation à la mer et aux grands animaux. Nourris de baignades au Frioul, d'une escapade au Château d'If, d'observations animales au Museum d'Histoire naturelle et végétales au Mucem, ils ont interrogé le voyage contraint du pachyderme au XVIe siècle. Ainsi est née cette histoire d'évasion qui s'ancre dans le paysage naturel marseillais.
L’écoute de la fiction sera suivie d’un débat avec l’autrice radiophonique Chloé Despax, Nisrine El Hassouni (ex-déléguée générale de l’association Peuple et Culture Marseille) et Yasmine Rakotondramanana, enfant participante à l'atelier. Modération Aude Fanlo (Mucem).
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18h30
Le monde dans un tableau : Le peigne de Caravage
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Documentaire de Nicolas Autheman. France. 75 mn.
Schuch Production et Arte France, en partenariat avec le Mucem.1598. Rome. Le Caravage représente un épisode de l’Évangile des plus troublants : la conversion de Marie-Madeleine - une prostituée - à la foi chrétienne. Arrachée aux plaisirs de la vie terrestre, la voici saisie au moment où son monde intérieur se transforme. Sur la table, le symbole de son ancienne vie de vanité : un peigne en ivoire à la dent cassée. Mais comment de l’ivoire avait pu parvenir à Rome en 1598 ? Qui avait fabriqué un peigne d’une telle finesse ? Et que signifiait-il réellement pour l’époque? De Rome à Détroit en passant par l'Angola, nous voici embarqués dans un épisode fondamental de notre histoire moderne : l’incursion des Européens en Afrique.
Projection suivie d’un débat avec le réalisateur et les historiens Thomas Glesener (Aix-Marseille Université) et Jérémie Foa (Aix-Marseille Université).
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20h30
We others
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Film de Laurent Van Lancker . 89 mn. Belgique- France. 2022. Production Roue Libre, Mountain View et Zorn Productions.
Film présenté et primé à Cannes DocsCe film oscillant entre documentaire et fiction a été créé dans le cadre d’un processus de collaboration avec des migrants contemporains qui incarnent et s’approprient les histoires d’émigration européenne du passé et les combinent avec leurs propres expériences vécues. Un film poétique et politique, dans lequel les récits autobiographiques, les archives et les rêves du passé et du présent se mélangent pour évoquer une expérience sensorielle et épique.
Ce film articule de nombreuses résonances entre les migrations passées et présentes, révélant ainsi comment l’amnésie historique est vivante dans notre perception de la migration.
Avec Angela Al Souliman, Aziz Temori, Abderraouf Hadi, Abeer Osman Khir, Fkadu Mussie, Babak Inanlou, Majid Almyar, Mehdi Juma.
Projection suivie d’un débat avec le réalisateur, en discussion avec Adelie Chevee (Institut Somum, Aix-Marseille Université, Mucem).
Jeudi 1 février 2024
MucemLab
Entrée gratuite sur inscription obligatoire à mucemlab@mucem.org
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10h30 – 15h00 : Workshop
Musées Mondes
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Les musées de société connaissent de profondes refontes institutionnelles et muséographiques. Proposant de nouveaux récits multiculturels et connectés ainsi qu’un regard critique sur leurs collections aux origines les plus controversées, en particulier coloniales, ces institutions affirment aujourd’hui leurs rôles de forums ouverts sur un monde globalisé. Ce tournant muséologique à large échelle s’inscrit dans la lignée des études postcoloniales et de l’histoire globale.
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10h30-12h00
Un tournant global pour les musées ?
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Nanette Snoep (directrice, musée de Cologne), Nathalie Bondil (directrice, Institut du monde arabe) et Sarah Ligner (conservatrice, musée du Quai Branly – Jacques Chirac), en discussion avec Camille Faucourt (conservatrice, Mucem), Souleymane Bachir Diagne (Columbia University).
Comment ces enjeux se traduisent-ils en termes muséographiques, et dans le rôle même de ces institutions? L’expérience de trois musées sera discutée, notamment sur la conception des parcours permanents ou temporaires (mobilisation des perspectives « par le bas », co-construction du propos, historicisation et contextualisation de la documentation des collections et des outils de médiation, jeux d’échelle entre global et local).
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12h00 Déjeuner
14h00-14h30
Un récit glocal au musée
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Brinda Sommer (Humboldt Forum)
Discutant : Daniel Tödt (Université de Konstanz)L’exposition « Berlin global », inaugurée en 2021, montre comme la ville et ses habitants sont liés au monde tout au long de l’histoire de la ville. La conceptrice de l’exposition montrera comment le parcours a été conçu dans cette articulation entre global et local, et quel rôle a eu cette exposition dans le contexte du Humboldt Forum.
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14h30 -15h00
Quelles histoires s’écrivent dans les musées ?
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Magali Nachtergael (Université de Bordeaux-Montaigne)
En conclusion des débats, une réflexion sur la place que les musées occupent dans l’histoire collective, sur la manière dont se composent dans la création contemporaine artistique et dans les institutions muséales des récits et des contre-récits.
Tarifs |
Entrée libre |
Lieu | Mucem |
Horaires | Mercredi 31 janvier et jeudi 1er février 2024 |