Maria do Mar, José Leitão de Barros
Cinémathèque portugaise
Carte blanche Souvenirs argentiques
Chaque année, une nouvelle cinémathèque d’Europe et de Méditerranée est mise à l’honneur au Mucem. Après la Cinémathèque de Bologne en 2016, le Mucem invite la Cinémathèque portugaise : chaque mois, de janvier à juin 2017, rendez-vous à l’auditorium pour découvrir une sélection de longs métrages récemment restaurés, tous projetés en 35 mm. À l’ère du « tout numérique », cette cinémathèque présente en effet la particularité de se consacrer à la préservation, à la restauration et à la diffusion de films sur leur support d’origine… De Lisbonne à Marseille, un cycle de cinéma pour (re)voir la vie en argentique !
Carte blanche à la Cinémathèque portugaise : le nouveau rendez-vous cinéma mensuel au Mucem
Cette programmation de la Cinémathèque portugaise au Mucem n’a pas été conçue comme une rétrospective historique et chronologique du cinéma portugais, même si elle couvre une longue période—qui va de 1930 à 2012—et inclut quelques classiques de la cinématographie nationale. L’idée qui a motivé le choix des films a été, d’une part, de montrer le travail de restauration et de conservation qui a été effectué par la Cinémathèque et, d’autre part, à travers des oeuvres majeures de Manoel de Oliveira, Paulo Rocha et Pedro Costa, de faire découvrir des films ou des cinéastes qui restent peu connus ou méconnus en France, tels que João Botelho, José Álvaro Morais, António Reis et Margarida Cordeiro, Jorge Silva Melo, Rita Azevedo Gomes ou Margarida Cardoso. Le cycle est inauguré avec un ciné-concert, le plus important long métrage muet du cinéma portugais, Maria do Mar, puis chaque mois sont proposés des programmes qui font dialoguer deux films, de manière directe ou indirecte.
La Cinémathèque portugaise
La Cinémathèque portugaise (Cinemateca Portuguesa-Museu do Cinema) est un organisme d’État dont la mission, comme celle de toutes les cinémathèques, est de réunir, de préserver et de diffuser le patrimoine et la culture cinématographiques, avec une attention particulière—mais pas exclusive—au cinéma portugais. Fondée en 1948 par Manuel Félix Ribeiro, elle n’a démarré ses activités de programmation qu’en 1958, et ce n’est qu’à partir de 1980 qu’elle a pu avoir une activité régulière, ayant été dotée d’une autonomie administrative et financière, ainsi que d’un siège exclusif, dans le centre de Lisbonne, où sont réunis l’administration, le service de programmation, deux salles de projection, la photothèque et une bibliothèque publique. Un autre espace abrite la Cinemateca Júnior, qui organise des séances et des ateliers avec les écoles, ainsi que des séances publiques. Dans les environs de Lisbonne se trouvent les archives filmiques, conservées selon des conditions techniques de pointe, ainsi qu’un laboratoire destiné à la préservation et à la restauration des films. Une autre personnalité a eu un rôle crucial—outre celui de son fondateur—dans le développement et le rayonnement international de la Cinémathèque portugaise : João Bénard da Costa, sous-directeur de 1980 à 1991, puis directeur jusqu’à sa mort en 2006. La quasi totalité de la production portugaise depuis les débuts du cinéma (fiction, courts métrages, actualités, films de propagande du régime salazariste) est conservée dans ses archives et a été restaurée. La programmation est organisée par cycles et aborde toute l’histoire du cinéma, des frères Lumière jusqu’à nos jours. À l’heure actuelle, en plein passage de l’ère analogique à l’ère numérique, la politique de la Cinémathèque portugaise est de montrer toutes les oeuvres sur leur support original. Tous les films sont restaurés sur support analogique, en utilisant les techniques correspondantes, avant le tirage de nouvelles copies de diffusion sur support numérique.
Les films programmés au Mucem sont des copies de 35 mm, à l’exception d’un seul, qui a été tourné directement sur support numérique.
La Cinémathèque à l’ère numérique
La révolution numérique nous confronte à des changements bien plus profonds que les changements partiels de technologie que le cinéma a connus dans le passé : nous sommes en train de vivre la substitution globale de l’univers technologique dans lequel le cinéma est né. Si on pense alors au rapport congénital entre tout art et sa dimension matérielle, cette substitution, plus radicale même que celle qui a eu lieu à la fin du muet, ne peut être considérée que comme le début d’une autre expérience, voire la naissance d’un art différent de celui qui a été inventé à la fin du xixe siècle. La Cinémathèque portugaise considère—d’autant plus qu’elle ne travaille pas sur le seul « passé », mais sur la mise en rapport d’oeuvres de différentes époques—que son travail consiste à respecter ces différences. À Lisbonne, nous nous sommes donc imposés un double défi : d’une part, d’installer une chaîne de conservation pour les images nativement numériques et de mettre en valeur les outils numériques pour la diffusion et l’analyse du cinéma ; d’autre part, de continuer de préserver et, dans la mesure du possible, de montrer les images en pellicule sur leur support d’origine, au risque d’exiger du spectateur un effort pour les comprendre. Par sa nature muséologique, ce dernier aspect exige une pédagogie—une mise en garde contre l’idée selon laquelle l’image analogique serait « imparfaite », car tout concept de perfection est une construction culturelle. Notre effort consiste donc à conserver les images et leur environnement technologique. De fait, notre laboratoire photochimique reste en activité et il est ouvert à la coopération extérieure. Nous avons conscience des difficultés inhérentes que cela entraîne, mais nous savons aussi qu’il s’agit d’un effort collectif, dont on ne peut mesurer l’ampleur sans l’affirmation claire d’un choix et d’une pratique. Notre action couvre dorénavant un vaste spectre qui va de la conservation matérielle du cinéma et de son expérience en salle jusqu’aux réseaux de diffusion et de connaissance immatériels permis par l’ère numérique. La Cinémathèque portugaise est l’enchaînement de tout cela.
José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise
En collaboration avec l'Ambassade de Portugal en France