Une autre Italie
Un abécédaire transalpin
Mucem, fort Saint-Jean—
Salle des collections
|
Du mercredi 25 mai 2022 au lundi 10 octobre 2022
Dernier jour de l'exposition ! Un abécédaire en 21 lettres (de l’alphabet italien), composé à partir des collections du Mucem
« A » comme « Antichità », « B » comme « biscotti », « C » comme « costumi », « D » comme « devozione »… L’exposition « Une autre Italie » propose un abécédaire en 21 lettres (de l’alphabet italien !), composé à partir des collections du Mucem.
Depuis l’Antiquité, l’Italie exerce une influence et une fascination aussi durables que profondes en Europe et en Méditerranée. Des fastes ensevelis de Pompéi au prestige des cités de la Renaissance, et des canaux de Venise aux splendeurs de la Rome pontificale, peu de contrées suscitent un imaginaire aussi riche et foisonnant. Mais à côté de cette Italie aussi prestigieuse qu’elle est aujourd’hui touristique, il est possible d’en dessiner une autre, plus modeste mais tout aussi diverse et créative : celle du peuple, de son quotidien et de ses fêtes, de ses croyances et de ses coutumes, de ses costumes et de son artisanat.
C’est dans le sud du pays et dans les hautes vallées alpines que nombre des objets présentés dans cette exposition ont été collectés, souvent par des ethnologues qui partaient en mission en Calabre ou dans le Val d’Aoste comme ils auraient pu le faire en Afrique ou en Amazonie. En effet, c’est dans ces régions les moins riches que les modes de vie populaires traditionnels se sont maintenus le plus longtemps, celles-ci n’ayant été marquées que tardivement par les grandes transformations de la société moderne et industrielle.
Malgré tout, là-bas aussi, et comme ailleurs en Europe, la plupart des éléments qui caractérisaient les sociétés traditionnelles ont disparu dans la seconde moitié du XXe siècle. D’autres éléments de la culture dite « populaire » ont alors pris le relais et fait l’objet d’études et de collectes, comme le football ou le graff, marqueurs évidents d’une nouvelle évolution : le peuple étudié n’est plus celui des campagnes et des villages, mais celui des grandes villes.
De la Rome antique aux stades de football, de la céramique à l’orfèvrerie, et des Alpes à la Sicile : le Mucem vous mène à la découverte d’une autre Italie !
—Commissaire :
Raphaël Bories, conservateur du patrimoine, responsable du pôle Religions et croyances, Mucem
Avec le soutien des amis du Mucem
-
Entretien avec Raphaël Bories, commissaire de l’exposition
-
Mucem (M.) Quelle est donc cette « autre Italie », présentée dans la salle des collections ? Raphaël Bories (R.B.) C’est l’Italie que l’on n’a pas l’habitude de voir au musée ! Celle du peuple, des campagnes, des métiers artisanaux, de la vie quotidienne et des fêtes, des traditions et des coutumes, des croyances religieuses et même magiques. C’est l’Italie que les ethnologues ont étudiée aux XIXe et XXe siècles, parce qu’ils y trouvaient encore des pratiques et des modes de vie anciens qui leur paraissaient presque exotiques, et qui étaient en train de disparaître. Ils ont aussi collecté des objets, témoins de modes de vie et de savoir-faire traditionnels, qui présentent aujourd’hui une importante valeur historique, mais qui pour certains peuvent aussi être vus comme de véritables œuvres d’art ; qu’il s’agisse d’ex-voto, d’amulettes, de masques ou même de quenouilles. Enfin, c’est aussi l’Italie des cultures urbaines et populaires contemporaines, vue à travers les exemples du graff et du football. M. En tant que responsable du pôle Croyances et religions, votre sélection s’est davantage tournée vers les objets liés au culte et à la dévotion ? R.B. Si beaucoup d’objets présentés dans l’exposition sont effectivement liés au culte et à la dévotion comme aux croyances et pratiques magiques et magico-religieuses, c’est parce qu’ils sont très nombreux dans les collections concernant l’Italie. Cela s’explique par la place importante de l’Église dans le pays, mais aussi par le caractère spectaculaire de certains phénomènes plus ou moins liés à la religion, en particulier dans le Sud : citons pour exemple le tarentulisme, maladie dont les victimes se trouvaient comme possédées et dont on attribuait l’origine à la morsure d’une araignée ; mais aussi les processions de flagellants, les pratiques votives, l’omniprésence du mauvais œil et de la sorcellerie… Tous ces phénomènes, qui ont beaucoup intéressé les anthropologues italiens, en particulier Ernesto De Martino, ont bien évidemment retenu mon attention en tant que responsable du pôle lié aux croyances et aux religions au Mucem. M. Sur un plan personnel, quels sont les objets, dans cette sélection, que vous êtes le plus fier de montrer au public ? R.B. Je suis avant tout heureux de pouvoir mettre en valeur le travail de mes prédécesseurs et en particulier celui de Monique de Fontanès, dont les enquêtes de terrain en Italie pour le compte du musée de l’Homme, entre les années 1950 et les années 1980, ont permis l’acquisition de la majorité des objets présentés ici, souvent accompagnés d’une remarquable documentation photographique. C’est pour compléter et enrichir ces collections que j’ai mené des acquisitions qui sont pour certaines exposées ici. C’est le cas de la statue de la Vierge sur la Sainte Maison de Lorette, qui provient des Marches et qui date du XVIIe siècle, acquise avec le soutien financier des Amis du Mucem. Il s’agit d’un objet monumental qui était porté en procession chaque année pour célébrer le transport miraculeux de Nazareth vers l’Italie de la maison où la Vierge aurait reçu l’Annonciation. Il y a aussi une toile de Carlo Levi, peintre et écrivain italien dont le livre Le Christ s’est arrêté à Eboli a remis sur le devant de la scène, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les difficultés de l’Italie du Sud. Elle représente des habitants de Basilicate, et il s’agit de la première œuvre de l’artiste à être entrée dans les collections d’un musée français.