Splendeurs de Volubilis
Bronzes antiques du Maroc et de Méditerranée
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Du mercredi 12 mars 2014 au lundi 25 août 2014
Grâce au prêt exceptionnel d’une partie des trésors nationaux de la collection de bronzes antiques du Maroc découverts à Volubilis, le Mucem présente l’un des aspects majeurs du bassin antique méditerranéen. Fruit d’une convention signée entre le royaume du Maroc et le gouvernement français, l’exposition témoigne d’une collaboration étroite entre la Fondation nationale des musées du Maroc et le Mucem.
Les collections de bronzes du musée de Rabat figurent parmi les plus exceptionnelles du monde antique méditerranéen. Bien que découverts, pour la plupart, à Volubilis, ils n’ont pas été produits dans cette région de l’Empire romain. Ils témoignent cependant d’une mode -ou de modes- en vogue dans l’Empire romain entre le II è siècle avant J.-C. et le II è siècle après J.-C. Pour autant, nous ne connaissons pas leurs lieux de production, qui peuvent être localisés aussi bien en Italie, en Grèce, qu’en Méditerranée orientale - Turquie, Jordanie - où des ateliers de fabrication ont été découverts à ce jour. Outre leur qualité technique intrinsèque, les bronzes de Volubilis se signalent par une esthétique particulièrement représentative des modèles en cours dans la Méditerranée gréco-romaine.
L’ensemble des bronzes en provenance de Volubilis est mis en espace en regard d’œuvres issues d’autres régions méditerranéennes. Parmi celles-ci, nous avons pu bénéficier des précieuses collections du Louvre, du cabinet des Monnaies, Médailles et Antiques de la Bibliothèque nationale de France, du musée de l’Ephèbe d’Agde et du musée départemental Arles antique. Elles illustrent magistralement le langage commun des élites méditerranéennes de l’Antiquité.
Il s’agit bien là d’un témoignage de ce bassin de civilisation qu’est la Méditerranée à l’époque antique : un vaste espace ouvert où les hommes circulent depuis le premier millénaire avant J.-C. de Tyr à Carthage, de l’Asie Mineure aux confins atlantiques en passant par la Mer Noire, de Phocée à Marseille, de Milet à Olbia, de Théra à Cyrène…
Commissaire générale : Myriame Morel
Scénographie : Atelier Maciej Fiszer
Exposition réalisée avec la collaboration exceptionnelle de la Fondation nationale des musées du Royaume du Maroc, dans le cadre d’une convention de coopération culturelle signée entre la Fondation et le Mucem
Parcours de l'exposition
Introduction
« Splendeurs de Volubilis » aborde, au-delà des aspects archéologiques et artistiques, des questions de société et de culture en rapport avec la circulation des goûts et des modèles dans le bassin méditerranéen à l’époque gréco-romaine (du Ier siècle avant J.-C. au IIe après J.-C.).
Le cœur de l’exposition est constitué d’une collection de bronzes antiques du Musée archéologique de Rabat. Exceptionnels à la fois par leur qualité et leur rareté, ils proviennent des fouilles du site antique de Volubilis au Maroc, une des capitales de Juba II et de son épouse, Cléopâtre Séléné.
En regard des bronzes de Volubilis sont présentées des œuvres issues d’autres foyers méditerranéens et conservées dans les collections françaises, comme autant de témoignages de la circulation de modèles esthétiques à ces époques.
Les questions relatives aux techniques et savoir-faire du bronze ainsi qu’aux décors et patines sont illustrées par des témoignages exceptionnels de modèles de plâtres antiques, autant que par la démonstration de la technique contemporaine.
Salle 1 : De la Numidie à la Maurétanie tingitane
Le royaume antique de Maurétanie est situé en Afrique du Nord (actuel Maroc) et limité au nord par la Méditerranée et à l’ouest par l’océan Atlantique. L’implication du roi Bocchus Ier, roi de Maurétanie (120-80 avant J.-C.), dans le conflit qui oppose son gendre Jugurtha, allié de Carthage, à Rome, fait entrer la Numidie et la Maurétanie dans la sphère romaine.
En 25 avant J.-C., l’empereur Auguste place à la tête de cet immense territoire Juba II, fils du dernier roi numide Juba Ier, et dont le règne ira jusqu’en 23 après J.-C. Sur ce territoire est alors créée la province romaine de Maurétanie tingitane, dont l’essor économique ne prendra fin qu’avec le repli de l’occupation romaine au IIIe siècle après J.-C.
Les familles
Le couple formé par Juba II et Cléopâtre Séléné a rapproché deux familles du Sud méditerranéen, les Numides et les Lagides.
Juba II est le fils de Juba Ier, roi de Numidie, vaincu par César. Emmené enfant à Rome pour être élevé par la sœur d’Octave, le futur empereur Auguste, il y côtoie une autre princesse de l’exil, Cléopâtre Séléné. Cette fille de la grande Cléopâtre et de Marc-Antoine lui est donnée en mariage en 19 avant J.-C.
Le couple est envoyé pour régner sur le royaume maurétanien en tant que représentant de la politique impériale. Élevés tous deux à Rome dans un environnement culturel raffiné, ils font de leurs capitales Caesarea (Cherchel en Algérie) et Volubilis (Maroc) des lieux de culture gréco-romaine. Avec l’assassinat de leur fils Ptolémée par l’empereur Caligula en 39 après J.‑C., prend fin l’héritage des anciens empires méditerranéens.
La cité de Volubilis
Située au nord de Meknès (Maroc), Volubilis est un site archéologique classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le site est occupé depuis l’époque néolithique, puis entre dans l’ère d’influence carthaginoise.
L’essor de Volubilis est lié au règne de Juba II. Avec la création de la province de Maurétanie tingitane, Volubilis devient romaine et s’enrichit par le commerce de l’huile. En témoignent les fouilles archéologiques qui ont mis au jour un grand nombre d’huileries et plusieurs riches villas de négociants, décorées de mosaïques raffinées, parmi lesquelles la villa du Chien, du Cavalier, de l’Éphèbe verseur…
Salle 2 : La circulation des goûts et des modèles
Dans l’Empire romain, les modèles grecs du Ve - IVe siècles avant J.-C. sont les référents esthétiques qui circulent d’un point à l’autre du bassin méditerranéen, que ce soit dans le domaine de la céramique, des marbres ou des bronzes.
Les œuvres présentées ici reflètent les différents styles de la statuaire : l’art du portrait, les styles « archaïque », « classique », ou « naturaliste ». Le décor domestique agrémente, par ses motifs animaliers et ses créatures mythologiques, le quotidien des loisirs et du bien-vivre dans les cités prospères comme Volubilis. Il reflète ainsi la qualité de vie des aristocrates, des riches citoyens et des négociants de l’Empire.
Portraits politiques et pouvoir
Les statues honorifiques sont les plus répandues dans les cités de l’Empire romain : les places et édifices publics en regorgent : statues d’empereurs, de représentants du pouvoir (ici africains) comme Juba II et Caton, etc.
Les portraits impériaux obéissent, en principe, à des canons et normes esthétiques contrôlés, et circulent dans l’Empire comme autant d’images de propagande. Le portrait présumé de Juba II relève aussi de l’idéal de beauté classique, tandis que celui de Caton s’inscrit dans une veine plus réaliste, s’attachant à exprimer la noblesse et la sévérité du magistrat romain.
Idéalisme
Les sculpteurs grecs qui travaillent pour la bourgeoisie hellénistique et romaine s’inspirent des œuvres des grands artistes classiques des Ve et IVe siècles avant J.-C. dont l’Histoire a conservé les noms : Polyclète, Phidias, Praxitèle. La circulation des œuvres et des personnes aboutit à une production commune à l’Empire qui reflète toutefois l’influence des divers styles de sculpture.
On retrouve l’influence de ce style « classique » dans les éphèbes de Volubilis, aux poses alanguies et à la grâce juvénile, tandis que les œuvres « archaïsantes » comme le Cavalier imitent le style plus « sévère » de la statuaire des VIIIe-VIe siècles avant J.-C., pour laquelle on constate un véritable engouement à l’époque d’Auguste.
Le décor domestique
Parmi les styles de la sculpture hellénistique imitée à l’époque impériale et romaine, on trouve le style appelé « grotesque » ou dit « de genre », dont les modèles d’origine proviennent d’Alexandrie. La statue du Vieux pêcheur aux rides accentuées est un exemple de ce style naturaliste qui s’intéresse le plus souvent au menu peuple et à la piété populaire.
Ce type de sculpture pouvait également côtoyer les décors mythologiques, de marbre ou de bronze, qui peuplaient les jardins et fontaines, témoins d’un art et d’un plaisir de vivre dans les demeures romaines.
Salle 3 : Le savoir-faire du bronze
Même si certains ateliers de bronze étaient itinérants, il est probable que la plupart des bronzes découverts à Volubilis furent importés ; on suppose qu’ils ont été achetés en Grèce ou en Italie ou qu’ils viennent des pillages et de leur trafic.
La plupart des grands bronzes ont été fabriqués dans des ateliers de fonderie lourde, fondus en creux à la cire perdue sur positif.
Les traces des ateliers et des outils sont rares et difficiles à identifier, car l’atelier, temporaire, était démonté et les fosses comblées après achèvement. La compréhension de ces processus techniques a été facilitée par les témoignages découverts à Bordeaux, Athènes, Rhodes et Jerash (Jordanie).
Modèles et plâtres
La question de la production locale de bronzes dans le Maroc antique a été soulevée par la découverte, hors de tout contexte archéologique connu, dans les jardins des Oudaya, à Rabat, de sept modèles d’atelier en plâtre, de tradition hellénistique, figurant des têtes masculines de types ethniques et d’âges divers, sujets favoris des bronziers grecs d’Alexandrie.
L’étude de ces « modèles » devrait ouvrir sur de nouvelles perspectives de recherche.
Virtuosité, patines et alliages
La production d’œuvres en bronze de l’Antiquité témoigne d’un savoir-faire d’exception. Le bronze est un produit d’alliage de cuivre et d’étain, auquel est parfois ajouté du plomb. Il pouvait être polychrome : certaines parties du corps étaient surlignées par des ajouts de cuivre rouge tandis que les ajouts d’argent étaient réservés aux yeux. Les patines roses, mauves, orangées du paludamentum furent créées pour donner l’illusion du métal.
Les bronzes ont aujourd’hui perdu leur couleur d’origine et se sont assombris. Ce phénomène de corrosion, déjà connu dans l’Antiquité, aurait introduit un changement de goût et peut-être l’utilisation de patines artificielles sombres comme le célèbre « noir de Corinthe ».