• Jean Dubuffet
    Jean Dubuffet
  • Vue de l'exposition Jean Dubuffet, un barbare en Europe © Solene de Bony
    Vue de l'exposition Jean Dubuffet, un barbare en Europe © Solene de Bony
  • Robert Doisneau, Jean Dubuffet dans son atelier, 1951, Collection Agence Gamma-Rapho © Robert Doisneau/GAMMA RAPHO
    Robert Doisneau, Jean Dubuffet dans son atelier, 1951, Collection Agence Gamma-Rapho © Robert Doisneau/GAMMA RAPHO
  • Exposition "Jean Dubuffet, un barbare en Europe", Mucem © Solene de Bony
    Exposition "Jean Dubuffet, un barbare en Europe", Mucem © Solene de Bony
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Jean Dubuffet

Un barbare en Europe
À découvrir en ligne
| Du mercredi 24 avril 2019 au lundi 2 septembre 2019

Peintre, écrivain, inventeur de « l’Art Brut », Jean Dubuffet (1901-1985) fut un acteur majeur de la scène artistique du XXe siècle.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, cet artiste insaisissable et polémique met en jeu une critique radicale de l’art et de la culture de son temps, en faisant de l’invention sans cesse renouvelée le pilier de la création et de la pensée. Empruntant à l’anthropologie, au folklore ou au domaine de la psychiatrie, il poursuit l’activité de décloisonnement opérée par les avant-gardes de l’entre-deux-guerres, dynamite la croyance en un art supposé primitif et ouvre de nouvelles voies de création.

Cette exposition donne à voir comment Jean Dubuffet entremêle dans son œuvre ses activités de peinture et d’écriture avec les recherches qu’il a consacrées à ce qu’il nomme l’Art Brut. Elle présente sa production artistique dans toute sa diversité, en s’attachant notamment à montrer les objets et documents issus des prospections qu’il a mises en œuvre en visitant musées d’ethnographie ou d’art populaire, mais aussi diverses collections dédiées à « l’art des fous ».

L’exposition « Jean Dubuffet, un barbare en Europe » présente 290 œuvres et objets issus des plus grandes collections françaises et européennes, parmi lesquelles :
musée Rolin (Autun), Fondation Beyeler (Bâle), musée Unterlinden (Colmar), musée Barbier-Müller (Genève), Musée d’ethnographie de Genève, Sammlung Prinzhorn (Heidelberg), Louisiana Museum of Modern Art (Humlebæk), Collection de l’Art Brut (Lausanne), musée André Malraux (Le Havre), Musée de l’Abbaye Sainte-Croix - MASC (Les Sables-d’Olonne), musée des Confluences (Lyon), musée Cantini (Marseille), Centre Pompidou / Musée national d’Art moderne (Paris), Fondation Dubuffet (Paris), musée des Arts décoratifs (Paris), musée du quai Branly - Jacques Chirac (Paris), Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne, LAM (Villeneuve-d’Ascq). Elle présente également plus de 30 objets conservés au Mucem.

Après le Mucem de Marseille, elle sera présentée à l’IVAM (Institut Valencià d’Art Modern) de Valence (du 8 octobre 2019 au 16 février 2020) et au Musée d’ethnographie de Genève (à partir du 8 septembre 2020).


Commissariat : Baptiste Brun (maître de conférences en histoire de l’art contemporain à l’Université Rennes 2) et Isabelle Marquette (conservatrice du patrimoine)
Scénographie : Atelier Maciej Fiszer
Exposition conçue et réalisée par le Mucem en coproduction avec l’IVAM (Institut Valencià d’Art Modern) de Valence et le Musée d’ethnographie de Genève.
Avec le concours de la Fondation Dubuffet Logo fondation Dubuffet
Avec la collaboration de la Collection de l’Art Brut Lausanne Logo fondation de l'Art Brut

Entretien avec Isabelle Marquette et Baptiste Brun, commissaires de l’exposition

Mucem 

Comment faut-il comprendre le titre de l’exposition ? Jean Dubuffet est-il un « barbare en Europe » pour avoir balayé les valeurs dominantes de l’époque, ou alors ce titre évoque-t-il aussi son rapport aux cultures longtemps supposées « primitives » ?

Isabelle Marquette (I.M.) et Baptiste Brun (B.B.)

Les deux ! C’est justement parce que Dubuffet interroge les valeurs de la culture occidentale de son temps que l’on a choisi d’utiliser ce terme polémique de « barbare ». Cela fait référence à un livre du poète Henri Michaux Un Barbare en Asie, où ce dernier découvrait qu’en pays « barbare », dans une autre culture, c’était lui le « barbare ». Un effort de relativisation des valeurs semblable à la démarche de Dubuffet. Les deux hommes admiraient d’ailleurs leurs œuvres respectives.
D’autre part, Dubuffet s’intéresse aux cultures extra-occidentales, longtemps supposées « primitives », mais conteste l’usage de ce qualificatif. Il réfute les notions d’ « art primitif » ou de « culture primitive ». Pour lui, il n’y a pas de hiérarchie en art, il n’y a que de l’invention. Il considère que le « primitif » est une invention de l’Europe pour coloniser le monde.

Dans un musée comme le Mucem, qui interroge la porosité des cultures, il est intéressant que cette notion de « barbare » prédominante encore aujourd’hui, puisse être interrogée d’une nouvelle façon. À l’heure où la question des migrants ou des frontières fait débat en Europe, cette thématique paraît toujours pertinente.

 

M.

Qu’est-ce que « l’Art Brut » ?

I.M. et B.B.

Pour Dubuffet, l’Art Brut concerne « des ouvrages réalisés par des personnes indemnes de culture artistique ». C’est aussi une appellation poétique, car « l’art » c’est tout le contraire du « brut ». Par cet oxymore, il nous rappelle qu’il est un écrivain, un inventeur dans le langage. Enfin, comme l’explique la chercheure Céline Delavaux, l’Art Brut, c’est aussi le « fantasme » de Dubuffet : le fantasme de pouvoir créer à partir de ses propres impulsions sans aucune référence : une création pure.

L’Art Brut c’est aussi une recherche. Une recherche d’objets, qu’il appelle des « ouvrages », terme pouvant recouvrir l’écriture, la peinture, la sculpture, la broderie, l’assemblage - toute sorte de choses de grande invention – qu’il va chercher par l’intermédiaire de ce qu’il appelle des « prospections ». Un mot proche du vocabulaire de l’ethnographie. Il va ainsi mettre en place un grand réseau de collectionneurs-rabatteurs dans les champs de la psychiatrie, des arts populaires, de l’ethnographie, qui vont lui permettre de réunir ce qui deviendra la Collection de l’Art Brut à Lausanne.  

 

M.

Comment cette notion a-t-elle évolué depuis son « invention » par Dubuffet ?

I.M. et B.B.

La notion d’Art Brut apparaît à l’été 1945 lors d’un voyage en Suisse où Dubuffet visite le musée d’Ethnographie de Genève, ainsi que des hôpitaux psychiatriques. Il s’intéresse alors à tout ce qui relève de l’altérité artistique. Ou trouve t-on un art différent ? En Afrique, en Océanie, dans les pays colonisés, chez les enfants, dans les milieux psychiatriques, dans les prisons, dans l’art populaire, dans les graffiti des rues !

Aujourd’hui, on utilise le terme d’Art Brut pour désigner tout ce qui relève de la création en lien avec la pathologie et la déficience mentale, alors que Dubuffet a toujours voulu éviter ça. Pour lui, il n’y a pas d’art spécifique à la schizophrénie ou à la trisomie. Il s’agit-là d’une simplification contemporaine du terme… Une affaire de marché, aussi : la folie est une plus-value ! Dubuffet souhaitait célébrer la singularité de l’invention. Mais la marchandisation de l’Art Brut insiste moins sur l’invention que sur l’altérité psychologique et mentale, non sans se faire le relai d’une certaine morbidité contemporaine.

 

M.

L’une des particularités de cette exposition est qu’elle mêle art et sciences humaines…

I.M. et B.B.

Nous aurions pu appeler l’exposition « Dubuffet ethnographe » mais nous ne souhaitions pas qu’il y ait confusion. Dubuffet est avant tout un artiste. Il n’est ni un ethnographe, ni un historien et encore moins un critique d’art. Mais comme nombre d’artistes de sa génération, il s’intéresse à la littérature, à l’ethnographie, à la philosophie, à la psychologie, à la sociologie, à la préhistoire… Toutes ces disciplines concourent, durant l’entre-deux guerres et au-delà, à redéfinir les limites de l’art. Dubuffet aime la « dispute » au sens philosophique du terme, il aime débattre de thèmes contemporains à la jonction de l’art et des sciences humaines. Et plus avant, il va détourner certaines pratiques des milieux de l’ethnographie ou de la psychologie à destination des ses prospections pour l’Art Brut ainsi que pour son propre travail. En ce sens, il préfigure les années 1970 et 1980 que des auteurs américains comme Hal Foster ont appelé « le tournant ethnographique de l’art ».

 

M.

Qu’est-ce qui vous a le plus étonné durant vos recherches sur cette exposition ?

I.M. et B.B.

Sa passion maniaque. Dubuffet était très systématique dans ses recherches et dans son travail, il archivait absolument tout, il déployait un travail considérable : il fut l’un des artistes les plus prolifiques de son temps. Et un écrivain tout aussi prolifique.
Cette masse d’archives disponible nous a permis de constater une vraie cohérence entre ses activités d’écrivain, ses activités d’artiste, et ses prospections autour de l’Art Brut. On a souvent reproché à Dubuffet d’être plongé dans la contradiction, mais ce que l’on oublie de voir, c’est que chez lui, la contradiction est un moteur, un mouvement qui engage au dépassement des positions fixées. D’où ce mouvement autour de la remise en cause des valeurs dominantes.

 

M.

Quelles sont les œuvres majeures présentées dans l’exposition ?

I.M. et B.B.

Il est difficile de répondre car Dubuffet refusait d’établir une hiérarchie stricte dans son travail. Nous pouvons néanmoins citer quelques œuvres importantes comme Le Géologue, qui montre un petit personnage sur un paysage de couches stratigraphiques, tenant une petite loupe. Une façon de montrer que l’homme n’est plus au centre du monde.
Nous pouvons aussi parler de l’œuvre Le Métafizyx, qui nous a été prêtée par le Centre Pompidou : un corps de femme où l’artiste montre bien l’inversion des valeurs et des genres, tout en tordant le langage. Une sorte de renversement des polarités assez iconoclaste.  

 

M.

Après le Mucem, cette exposition sera présentée en itinérance à Valence puis à Genève. La preuve que les réflexions de Dubuffet s’avèrent toujours d’actualité ?

I.M. et B.B.

D’une part, il est intéressant de relever que beaucoup de jeunes artistes s’intéressent aujourd’hui au travail de Dubuffet alors qu’il était tombé en désuétude dans les années 1980 et 1990. D’autre part, on verra dans le catalogue de l’exposition, qui fait intervenir des historiens de l’art, des spécialistes de l’anthropologie ou encore des philosophes, que ce lien entre les arts et les sciences humaines est au cœur des travaux de recherche les plus récents.
Cette exposition au Mucem est pour nous une manière d’évoquer les rapports qu’entretenait Dubuffet avec le musée de l’Homme et le musée des Arts et Traditions populaires. Quant à l’exposition au musée d’Ethnographie de Genève, elle marque en quelque sorte une forme de célébration du voyage décisif de Dubuffet en Suisse, dont nous avons parlé plus haut. C’était en 1945, soit il y a près de 85 ans !
L’exposition sera ainsi présentée successivement dans un musée de civilisations, un musée de beaux-arts et un musée d’ethnographie. Ce qui résume bien le caractère transdisciplinaire de Dubuffet. Cette ouverture fut pour lui un moteur pour penser le monde, non sans qu’il prenne le risque de douter du bien-fondé de toutes valeurs, en joyeux nihiliste qu’il était ! C’est d’ailleurs ce que montre la fin de l’exposition.

 

Propos recueillis par Sandro Piscopo-Reguieg


Publications

 

Catalogue d'exposition Jean Dubuffet, un barbare en Europe, MucemCatalogue d'exposition

Sous la direction de Baptiste Brun et Isabelle Marquette, commissaires de l'exposition, avec les contributions de Christophe David, Vincent Debaene, Thierry Dufrêne et Maria Stavrinaki.
Éditions du Mucem / Hazan
Format 19 x 28,5 cm, 224 pages
35 €
Parution avril 2019
ISBN 978-27-54110-95-2

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Réalisation © Notoryou

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Parcours de l'exposition

Célébration de l'homme du commun

Au sein de la première section de l’exposition, la notion d’« homme du commun » est centrale.

Cette figure fantasmatique est mise en œuvre par le peintre au cœur de ses écrits et de sa peinture dès 1944.

L’« homme du commun » est tout à la fois une manière de se définir et de se situer dans le monde en général (et le monde de l’art en particulier), mais aussi le sujet de sa peinture et la représentation qu’il se fait de l’artiste authentique.

Il s’agit là non pas d’un regard qui reconduirait le tropisme de certains artistes d’avant-garde pour tout ce qui relève de la culture populaire, mais bien d’une réflexion envisageant l’activité artistique comme inhérente à l’espèce humaine.
 
Au lendemain de la catastrophe, Dubuffet convie des valeurs d’humilité et de modestie pour dresser le portrait de l’être humain dépouillé de tout particularisme. Il rejette les notions de « beau sujet » ou d’« homme héroïque » qui, par définition, se situent « hors du commun ».

Table rase est faite du passé. L’heure est à la célébration de l’homme du commun et de la banalité joyeuse.
 

Une éthnographie en acte

Dès l’entre-deux-guerres, Jean Dubuffet s’intéresse aux productions plastiques situées aux franges de l’histoire de l’art occidental.

L’entreprise de l’Art Brut, initiée en 1945, est au cœur de sa réflexion.

Si l’on retient bien souvent son intérêt pour les dessins, peintures, sculptures et assemblages réalisés dans le milieu asilaire, il ne faut pas négliger son appétence et ses connaissances relatives à l’art populaire, au dessin enfantin, aux arts anciens ou aux artefacts extra-occidentaux.

Le large réseau de coopération mobilisant ethnographes, psychiatres et autres amateurs d’altérité l’atteste.

Plus avant, le peintre détourne les usages ethnographiques au profit de son œuvre et de sa pensée, procédant à une ethnographie en acte, jouant du proche et du lointain, dans le temps et l’espace.

Critique de la culture

La célébration de l’homme du commun et les rapports étroits qu’entretient Dubuffet avec les réflexions de l’ethnologie de son temps alimentent ce qui, dès 1949, s’institue comme une critique radicale de la culture humaniste. Dubuffet remet en cause la distribution des valeurs qui fondent celle-ci.

Au cœur de son travail, le point de vue, le langage, les systèmes de croyance et les valeurs de l’art sont questionnés.

La forme de relativisme absolu à laquelle procède alors le peintre ne va pas sans faire écho au travail de son contemporain Claude Lévi-Strauss, très intéressé par les démarches du peintre.

Dubuffet n’a de cesse dans son œuvre de mettre à mal la question du point de vue, centrale dans le domaine des arts depuis la Renaissance.

La perspective unique et le modelé traditionnel sont révoqués. Ses différentes peintures invitent à tout autant de nouvelles manières de regarder la réalité qui nous entoure.

Dubuffet dévoile ainsi le relativisme du point de vue, son caractère culturellement construit. L’homme, qui plus est occidental, n’est plus au centre du monde.


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