History zero
Stefanos Tsivopoulos
Mucem, fort Saint-Jean—
Bâtiment Georges Henri Rivière (GHR)
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Du jeudi 20 novembre 2014 au lundi 13 avril 2015
Dans un musée de civilisation comme le Mucem, les conservateurs, les scientifiques, les chercheurs en sciences humaines… ne sont pas les seuls à pouvoir apporter un éclairage sur les questions de société qui sous-tendent l’actualité politique de l’Europe et de la Méditerranée. Les artistes se sont depuis longtemps saisis de ces questions pour les capter, les tordre, les décrypter et en proposer une lecture singulière qui nous permet de les percevoir et de les interpréter autrement. Le bâtiment Georges-Henri Rivière (GHR), au Fort Saint-Jean, a précisément vocation à accueillir des œuvres contemporaines qui rendent perceptibles ces zones de tension, de fracture, de changement que les artistes ont souvent la capacité à percevoir avant tout le monde et sur lesquelles ils proposent un point de vue spécifique, ni encyclopédique, ni didactique mais qui nous force à réfléchir.
History Zero est justement une installation qui appartient à cette catégorie d’œuvres. Conçue par l’artiste grec Stefanos Tsivopoulos pour la biennale de Venise de 2013, elle est composée de trois films de fiction se déroulant à Athènes et d’un espace documentaire, pour lequel l’artiste a demandé à des chercheurs d’enquêter sur des exemples de monnaies alternatives, utilisées parallèlement à des monnaies officielles. Ce projet soulève la question de la place de l’argent dans la société grecque d’aujourd’hui et, plus largement, dans des sociétés capitalistes secouées par des crises à répétition et marquées par les inégalités sociales. Il pose également la question du rôle de l’argent dans les destinées individuelles de chacun et dans les relations entre personnes.
Le détour par la fiction est une manière de ne pas prendre au sérieux les diktats d’une réalité économique dont on dit qu’elle n’a pas d’alternative possible. C’est une manière de rebattre les cartes, de se laisser la liberté de rêver à une table rase à partir de laquelle il serait possible de reconstruire un monde nouveau. Pour autant les personnages mis en scène dans les films – une collectionneuse d’art frisant la démence, un immigrant à la recherche de métal dans les poubelles, un artiste capturant des images de la ville – entretiennent tous des liens étroits avec la réalité. La confrontation de ces fictions réalistes avec l’espace documentaire sur les monnaies alternatives conforte le sentiment d’une remise en cause possible du système économique dans son ensemble.
L’engagement politique de Stefanos Tsivopoulos est au cœur de son travail d’artiste. L’art a vocation, selon lui, à ouvrir et susciter le débat public – ce qui n’est pas un vain mot pour un artiste grec. La présentation de History Zero dans le contexte d’un musée de civilisation, dépassant le cénacle des spécialistes d’art contemporain le réjouit à ce titre. Elle prend également place dans le cadre d’un « Temps fort » du Mucem consacrée à la Grèce « Après la crise ? ».