Au Salon des arts ménagers
Plateau volant, motolaveur, purée minute (1923 – 1983)
Mucem, fort Saint-Jean—
Bâtiment Georges Henri Rivière (GHR)
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Du vendredi 7 juillet 2023 au dimanche 8 octobre 2023
Grande fête populaire et spectacle de la consommation, le Salon des arts ménagers nous invite à une réflexion sur l’avenir de nos sociétés contemporaines.
« Plateau volant, motolaveur, purée minute », cette triade fait écho à la célèbre Complainte du progrès (Les Arts ménagers) de Boris Vian, diffusée au Salon des arts ménagers de 1956, et dans laquelle le poète énumère avec humour les appareils plus ou moins fantaisistes qui envahissent le quotidien. Ces objets qui ont véritablement figuré au Salon incarnent l’esprit d’invention et de modernité qui en ont fait sa marque de fabrique. À la croisée des sciences, de l’industrie et de l’esthétique, et au-delà de l’événement commercial, c’est bien une forme de révolution sociale que le Salon a instaurée entre 1923 et 1983.
Pendant soixante ans, le Salon des arts ménagers a accueilli des millions de curieux venus découvrir les nouveautés en termes d’équipement domestique, d’habitat, d’organisation et de confort du foyer. Dès son origine, les innovations présentées sont photographiées dans un but documentaire et publicitaire : des dizaines de milliers de clichés ont ainsi été produits, témoignant de l’importance du visuel dans la construction d’un imaginaire de l’intérieur idéal. La société entière défile au Salon, pour se montrer, pour présenter, pour revendiquer aussi, comme la suffragette et féministe Louise Weiss en 1936, qui, sous forme de performance, y fait la cuisine pour que soit accordé le droit de vote aux femmes.
Grande fête populaire et spectacle de la consommation, le Salon des arts ménagers nous invite à une réflexion sur l’avenir de nos sociétés contemporaines.
Dans le cadre de la célébration des 100 ans du Salon, cette exposition présente des photographies originales issues des fonds des Archives nationales. Ces tirages dialoguent avec des objets des collections du Mucem, en particulier ceux exposés au Salon par son ancêtre, le musée national des Arts et Traditions populaires, entre 1951 et 1959. Ce décalage entre modernité et tradition est ainsi rejoué pour illustrer une époque où les intérieurs domestiques se transforment face au progrès, bouleversement qui conduit les équipes du musée à patrimonialiser une société traditionnelle en train de disparaître.
Quelques objets marquants des innovations technologiques ayant modifié le mode de vie domestique seront également présentés. Des objets liés aux différentes éditions du Salon (brochures, tickets d’entrée, catalogue) ou des caricatures publiées dans la presse de l’époque permettront enfin de plonger dans cette histoire de l’évolution des modes de vie et des goûts, et de mieux comprendre les enjeux sociaux soulevés par le Salon des arts ménagers.
Cette exposition présentée au Mucem est une adaptation de l’exposition « Au Salon des arts ménagers (1923-1983) : plateau volant, motolaveur, purée minute » organisée par les Archives nationales du 5 février au 16 juillet 2022, et dont le commissariat était assuré par Sandrine Bula, conservatrice du patrimoine, responsable de la mission photographie aux Archives nationales, Marie-Ève Bouillon, chargée d’études documentaires à la mission photographie des Archives nationales, et Luce Lebart, historienne de la photographie et commissaire indépendante.
Commissariat :
Marie-Ève Bouillon, chargée d’études documentaires, Mission photographie de la direction des fonds, Archives nationales
Marie-Charlotte Calafat, conservatrice du patrimoine, responsable du département des collections et des ressources documentaires du Mucem
Enguerrand Lascols, conservateur du patrimoine, responsable du pôle vie domestique, Mucem
Scénographie : Yves Morel
Graphisme : Fabien Hahusseau
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Entretien avec Marie-Ève Bouillon, Marie-Charlotte Calafat et Enguerrand Lascols, commissaires de l’exposition
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Mucem
Le « repasse-limaces », l’« atomixer » et le « motolaveur » ont-ils réellement existé ?
Marie-Ève Bouillon.
Ces objets sont pour une part inventés. La chanson de Boris Vian La Complainte du progrès est une référence importante lorsque l’on aborde le Salon des arts ménagers, tout d’abord parce qu’elle a elle-même été diffusée sur le stand Philips du Salon en 1956, mais aussi parce qu’elle concentre tout l’imaginaire porté par le Salon, d’invention et d’ingéniosité parfois presque surréalistes appliquées au domestique. Le Motolaveur, lui, a bien existé et a même été le clou du premier Salon des appareils ménagers de 1923.
Enguerrand Lascols. En dialogue avec les photographies du Salon, nous présentons des objets des collections du Mucem qui témoignent soit de la culture matérielle des sociétés traditionnelles en train de disparaître au XXe siècle, soit de cette nouvelle modernité qui intègre les intérieurs domestiques. Il y a par exemple un lave-linge à manivelle en aluminium et à la forme futuriste, qui nous laisse imaginer le nouveau confort permis par ce type d’objet dans la réalisation des tâches domestiques.
M. Découvrir le Salon des arts ménagers, c’est remonter le temps aux origines de notre modernité domestique ?
M.-E.B. Le Salon, pendant ses 60 années d’existence, a influencé nos manières de faire, notamment en termes de consommation, mais aussi plus généralement nos manières d’être au sein de la famille et dans nos intérieurs domestiques, en prônant notamment la notion de confort. Il accompagne la transformation des foyers qui ont progressivement vu l’arrivée de l’eau courante, de l’électricité et des réseaux de gaz ou de communication. Alors que seulement 8,4 % des ménages français possèdent une machine à laver le linge en 1954, on passe à 56 % en 1970 et 80 % en 1980.
Marie-Charlotte Calafat. Tout l’enjeu de cette exposition est de rendre perceptible « la révolution domestique » du siècle dernier. Alors qu’au XIXe siècle les jeunes femmes recevaient des crémaillères, des soupières ou des battoirs à linge comme présents de mariage, la bonne ménagère du XXe siècle présentée au Salon devait être épanouie dans sa nouvelle cuisine avec ses instruments modernes. Mais si la modernité introduit de nouveaux outils domestiques, le rôle attribué à la femme reste le même : il s’agit toujours de rester à la maison et de s’en occuper.
M. D’où proviennent les photographies présentées dans l’exposition ? Que sait-on de leurs auteurs et de leurs modes de diffusion ?
M.-E.B. Les photographies exposées proviennent du fonds d’archives du Salon des arts ménagers, conservé aux Archives nationales. Il s’agit d’archives publiques puisque le Salon dépendait du CNRS jusqu’à sa dernière présentation en 1983. Il comporte 300 mètres linéaires de documents divers, illustrés ou non, rapports, affiches, ephemera, revues, plans, etc. ; ainsi que 40 000 tirages photographiques conservés en album.
Ces tirages ont été réalisés par plus de 700 photographes sur toute la période du Salon, majoritairement des photographes commerciaux qui ont documenté les stands à la demande des industriels. Un exemplaire de chaque photographie prise au Salon devait intégrer ses archives. D’autres photographes interviennent sur commande du commissariat général du Salon, comme François Kollar et Jean Collas, qui ont documenté pendant plus de 40 ans le Salon. Ces photographies étaient utilisées pour la promotion du Salon d’une année sur l’autre, la réalisation de brochures illustrées ou pour les revues du Salon, L’Art ménager dès 1927 puis Arts ménagers à partir de 1950.M. Quels liens le musée national des Arts et Traditions populaires (MNATP), ancêtre du Mucem, entretenait-il avec le Salon ?
M.-C.C. Le musée avait un stand au Salon entre 1951 et 1959 et a organisé une grande exposition en 1953 au palais de Chaillot sur les objets domestiques traditionnels. Cela permettait d’exposer les acquisitions, réalisées dans l’urgence, des derniers vestiges de modes de vie en train de disparaître. Dans un court film assez savoureux, on suit un couple visitant l’exposition, et tous deux sont étonnés par la découverte d’un plat à barbe jugé « anachronique », ou d’un battoir à linge décrit comme un « instrument simpliste ». Autre cas significatif : en 1966, le musée acquiert tout l’intérieur d’une vieille maison du Cantal auprès de la famille Girbal, qui reçoit en échange un mobilier neuf et un téléviseur : la cheminée est remplacée par un système de chauffage et les veillées au coin du feu par des soirées devant le petit écran. Ce que nous proposons de faire ici, c’est bien de jouer à nouveau sur ces confrontations entre tradition et modernité.
M. Quels sont les objets les plus étonnants que nous verrons dans l’exposition ?
E.L. Qu’ils soient issus de la société traditionnelle française ou bien que ce soient des objets modernes proposés par le Salon, tous sont assez étonnants. Ils peuvent témoigner de modes de vie complétement oubliés de nos jours, du battoir à linge au fer à repasser avant l’arrivée de l’électricité. Leurs formes nous montrent d’ailleurs une grande diversité qui n’existe plus aujourd’hui : plat à barbe, gargoulette… Les objets modernes peuvent quant à eux nous faire rire du fait de leur intérêt relatif ; je pense notamment au « quitien » qui, comme son nom l’indique, sert à accrocher les balais. Mais la palme revient tout de même au robot multifonction « atomixeur » qui, selon l’embout choisi, peut servir de pulvérisateur de peinture, de mixeur ou de sèche-cheveux. Il vaut donc mieux ne pas se tromper !
Propos recueillis par Sandro Piscopo-Reguieg (avril 2023)
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Cette exposition fait partie de la programmation des Rencontres d’Arles dans le cadre du Grand Arles Express
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