Livre - Vacances et pratiques corporelles

Les vacances favorisent la découverte des paysages. En les glorifiant, le vacancier fait du dépaysement une vertu, un art de vivre. D’où l’intérêt de présenter la mutation des sentiments, des émotions, des rêveries, qui, de la fin du XVIIIe au XXe siècle, ont dramatisé la confrontation de l’individu avec la nature. Les rivages marins suscitent ainsi une sensibilité créatrice de pratiques de loisir. Grâce aux usages du bain et de la plage, prendre soin de son corps au sein de la nature flatte une esthétique de vie. Dans le voyage en montagne, la cime figure à la fois observatoire du monde et élévation personnelle. Se crée alors un public d’amateurs enthousiastes ; d’où un militantisme pédagogique, une éducation pour les vacances et par le voyage. En un mot, le dépaysement comme système pédagogique, voilà ce qui anime scoutisme et mouvements de jeunes, une géographie vécue. Excursions, camps et randonnées favorisent l’instauration d’une morale du loisir. A la fin du XIXe siècle, la colonie de vacances fait du climat un hôpital naturel. On ne guérit que de ce qu’on quitte. L’œuvre pastorale y travaille moins l’imagination que la mémoire. Bien dosé, le climat promet guérison et bien-être ; on se met à soigner l’accueil. La résidence du séjour sera un foyer baigné de lumière, choyé par les rivages marins ou lové dans la campagne. « La colo » favorise non pas le dépaysement, mais l’acclimatation ; au-delà de l’esthétique, la morale. Ces sites sont moins des lieux d’évasion que des foyers de réconfort. La fonction civilisatrice des vacances ressort mieux lorsqu’elles renouent avec la nature : des attentions au corps capables de fêter l’aventure et son opposé, l’enracinement. Penser aux vacances invite à les repenser. André Rauch, professeur à l’Université de Strasbourg Il, est l’auteur de deux ouvrages publiés par les PUF : Le corps en éducation physique et Le souci du corps.