Livre - Et forain avec les forains, le Père François Haguenin...aumônier national des forains de France

Dix ans durant, un prête parcourut les foires de France : aujourd’hui à Bordeaux, hier à Lille, demain à Lyon, il ne séjournait guère plus de quelques heures en chacune de nos villes. Sa longue pèlerine, sa démarche fatiguée, son bon sourire qui illuminait un visage austère étaient célèbres sur les places et parmi les manèges, les stands de tir, les voitures et les auvents des confiseurs. Le curé visitait sa paroisse itinérante et dispersée, apparaissant au bon moment, surgi on ne savait d’où, disant un mot de réconfort, une salutation aimable, s’attardant en une conversation prolongée, prêt à l’occasion à donner un coup de main et toujours porteurs des nouvelles de la famille écartelée à travers la France. Il connaissait tout le monde, parents, enfants, et même chiens et chats, par leurs noms et leurs surnoms ; tout le monde connaissait le père François Haguenin, aumônier national des Forains de France. Et tout le monde aimait ce prêtre qui avait consacré son cœur et sa vie à ses chers forains, ne les oubliant jamais, toujours en chemin pour les retrouver, fallut-il, sous l’occupation, traverser clandestinement la ligne de démarcation plus de quarante fois, et qui finalement mourut de fatigue le 31 juillet 1945. Une telle vie devait être racontée tous ceux qui gardent le souvenir du Père Haguenin, le demandaient avec insistance. Pour ses forains d’abord, pour tous ceux qui le rencontrèrent, entendirent une de ses retraites et reçurent le choc de son ardeur apostolique, pour ceux aussi que ne peut laisser indifférent un tel don de soi, continué jusque dans la mort, le Père Letourneulx, en quinze chapitres simples et concrets qu’eut aimés le Père, évoque la silhouette peu banale de ce Jésuite qui ne se reposa que sur son lit de mort, à 45 ans… Cette biographie alerte se lit d’un trait. Même à ceux qui croyaient bien connaître le Père Haguenin, elle révélera des aspects insoupçonnés et admirables : une faculté d’organisation incroyable, une ténacité souple et habile que rien ne put décourager, une délicatesse de cœur et une profondeur de vie religieuse que son effacement révéla à peine à ses intimes. Et l’on comprendra mieux, en refermant ce beau livre, où sans cesse l’auteur s’efface devant son héros, le cri unanime de ses forains au lendemain de sa mort : « Ah ! oui, il peut dire qu’il nous a aimés »…