Livre - Bergers des Cévennes

À la fin de chaque printemps, lorsque l’eau et l’herbe commencent à manquer dans les garrigues de l’Hérault et dans les Cévennes méridionales, les routes et les chemins s’emplissent pendant quelques jours d’une multitude de moutons qui transhument vers la montagne. Tel un fleuve de laine, les troupeaux se déplacent dans la poussière de la draille et dans le vacarme de leurs sonnailles. Du plus petit, quelquefois une dizaine de bêtes, au plus grand de plusieurs milliers de brebis, ils sont pomponnés de laine aux couleurs vives. La montée en transhumance, c’est la fête. La fête pour les bergers mais aussi pour les habitants des villages traversés. Ils entendent longtemps à l’avance le bourdonnement des sonnailles et attendent sur le pas de leur porte le passage des transhumants. Les troupeaux grimpent sur les pentes du mont Aigoual, sur les versants du Lingas, sur le Larzac ou le causse Méjean. Autrefois, ils voyageaient plusieurs semaines pour atteindre les grandes étendues du mont Lozère, de Margeride ou d’Aubrac. Mais la transhumance cévenole d’aujourd’hui est menacée dans son existence et dans ses traditions. Le berger, marginal de notre société trop structurée, ne trouve plus de successeur. Ses pâturages sont grignotés par le tourisme et l’éternel conflit entre pasteur et forestier est toujours bien vivace. Artisan d’une forme d’élevage qui s’avère de moins en moins rentable, il est condamné à vivre pauvre au milieu d’une société d’abondance. Tous ces aspects historiques, ethnographiques et socio-économiques, Anne-Marie Brisebarre les aborde dans son étude. Chercheur au Museum d’histoire naturelle de Paris, elle étudie depuis 1970 les interrelations de l’homme avec les animaux et les plantes dans les Cévennes. De nombreuses missions lui ont permis de partager l’aventure et les problèmes des bergers du pays cévenol.