L’Orient sonore
Musiques oubliées, Musiques vivantes
Mucem, J4—
Niveau 2
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Du mercredi 22 juillet 2020 au lundi 4 janvier 2021
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À partir de la richesse exceptionnelle des collections de la Fondation Amar, l’exposition « L’Orient sonore » donne à voir et à entendre l’histoire des traditions musicales arabes menacées et de leur sauvegarde. Des maisons de disques d’hier aux vidéos d’aujourd’hui, elle nous mène à la redécouverte d’un patrimoine oublié.
L’exposition s’intéresse d’abord à la première « sauvegarde » du patrimoine sonore arabe du début du XXe siècle à travers l’histoire de maisons de disques occidentales qui, à partir de 1903, date du premier enregistrement de musique arabe, avaient étendu leurs marchés au monde arabe avant d’être rapidement suivies par des sociétés levantines. On découvre ainsi une sélection de 60 disques rares (78 tours) couvrant une grande variété de genres musicaux. À partir de 1930, la forme de la musique arabe commence à changer radicalement et ces disques, avec la musique qu'ils transportent, tombent dans l'oubli. La numérisation entreprise par la Fondation Amar à partir de 2009 permet aujourd’hui de redécouvrir ces enregistrements.
L’exposition présente en outre, sous forme d’installations vidéo, douze traditions musicales orales menacées de disparition pour lesquelles un travail inédit de recherche, de documentation et de captation a été mené sur le terrain entre 2016 et 2019. De l’Irak à l’Afrique du Nord en passant par le Golfe, elles témoignent de la diversité des sons, des chants et de rythmes des musiques arabes, qu’elles soient profanes ou sacrées, d’origines populaire ou savante. Celles-ci sont aujourd’hui fragilisées du fait des guerres et des bouleversements politiques, de la persécution de minorités ethniques ou religieuses, ou encore de la mondialisation et de l’évolution des mœurs.
L’exposition propose ainsi une réflexion sur la préservation d’un patrimoine culturel multiséculaire en péril et sur les possibilités offertes par les nouvelles technologies pour la sauvegarde de cet héritage. La tradition musicale orale peut-elle être ainsi préservée de l’oubli ?
« L’Orient sonore » se présente tel un salon d’écoute et de regards. Plongé au milieu des voix et des instruments, de la musique et des images en mouvement, le public est invité à s’immerger dans un ailleurs musical sensuel et profond, afin de découvrir l’expérience vive des traditions musicales du monde arabe.
—Commissariat : Kamal Kassar, commissaire général de l’exposition (Créateur de la fondation AMAR pour l’archivage et la recherche sur la musique arabe) et Fadi Yeni Turk, co-commissaire de l’exposition (Réalisateur et directeur de la photographie)
—Direction artistique : Pierre Giner
Avec le soutien de la fondation AFAC au Liban, Arab Fund for arts and culture
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Entretien avec Kamal Kassar et Fadi Yeni Turk,
commissaires de l’exposition -
Mucem (M.) Comment est né ce projet d’exposition ? Pouvez-vous nous présenter la Fondation Amar ? Kamal Kassar et Fadi Yeni Turk
(K.K. et F.Y.T.)La Fondation Amar a été constituée en juillet 2009 à l’occasion de l’acquisition d’une grande collection de disques 78 tours égyptiens, réunissant notamment les premiers enregistrements musicaux réalisés dans le monde arabe en 1903. La fondation a pour objectif la diffusion de ce patrimoine oublié, qui constitue la base d’une musique classique arabe.
Après la publication de coffrets CDs illustrant les grands chanteurs de la renaissance arabe, après plusieurs concerts célébrant cette musique, les expositions constituent un autre moyen de faire connaître ce patrimoine si riche. La première a eu lieu au Humboldt Forum de Berlin en 2018. Elle évoquait les maisons de disques qui ont sauvé cette tradition de l’oubli, ainsi que notre quête pour documenter les traditions orales en danger de disparition. L’exposition organisée au Mucem abordera ces mêmes thématiques, mais sera d’une plus grande ampleur.M. L’exposition évoque des récits de sauvegarde du patrimoine musical arabe, en commençant par les premiers enregistrements réalisés au début du XXe siècle. Pouvez-vous nous raconter cette histoire et nous décrire de quelle manière elle sera présentée dans l’exposition ? K.K. et F.Y.T. Les maisons de disques occidentales qui sont arrivées au Moyen-Orient à partir de 1903 ont enregistré la production musicale née de la renaissance culturelle qui culmina vers 1850 et continua jusqu’au début des années 1930. Sans ces enregistrements, nous serions incapables d’appréhender ce patrimoine, de connaître son corpus. Dans l’exposition, nous présenterons à l’écoute 60 disques illustrant les pratiques musicales du monde arabe (du Golfe au Maghreb), sans oublier d’évoquer les différentes maisons de disques qui ont enregistré dans cette région. M. Qui sont les chanteurs que l’on peut entendre dans ces 78 tours ? Quelle était l’importance des musiques populaires dans le monde arabe de cette époque ? K.K. et F.Y.T. Ce sont 60 chanteuses et chanteurs choisis pour leur représentativité des pays du monde arabe : Irak, Yémen, Syrie, Liban, Arabie, Égypte, Soudan, pays du Golfe et du Maghreb. Les enregistrements couvrent une période allant de 1903 jusqu’aux années 1970. Chaque pays possède sa propre histoire avec le disque qui lui est associé, et ces histoires sont toutes racontées dans l’exposition.
Il faut préciser que ces disques évoquent principalement l’histoire de la musique citadine, bien que certains enregistrements de musique populaire aient été réalisés. Les traditions populaires sont très diverses et nombreuses. Elles portent en elles tout un pan de l’histoire du groupe, de la communauté ou de la région, une histoire qui peut remonter parfois sur plusieurs siècles en arrière. Beaucoup de ces traditions ne sont pas enregistrées sur disques mais la Fondation Amar a commencé en 2017 à répertorier, filmer et archiver certaines de ces traditions populaires afin de les sauvegarder et de pouvoir les faire connaître aux générations futures.M. Pourquoi ces musiques sont-elles tombées dans l’oubli à partir des années 1930 ? K.K. et F.Y.T. En 1932 se tient en Égypte le Congrès de la musique arabe, rassemblant les plus grands spécialistes de musique du monde. Les recommandations du Congrès ont consacré la spécificité de la musique arabe, grâce à l’intérêt que lui portaient les européens. Néanmoins, après ce congrès, le gouvernement égyptien achète 2 000 pianos en Europe et les distribue à tous les conservatoires et écoles de musique du pays, ce qui était contraire aux recommandations du Congrès. Car depuis le plus haut sommet de l’État jusqu’aux cercles intellectuels, on cherchait à copier l’Europe. Pour ces derniers, le Congrès devait consacrer l’Égypte comme nation moderne et civilisée en poussant sous le tapis la grande tradition khédivienne. C’est comme cela que cette grande tradition a été oubliée. Dans la même perspective, le cinéma égyptien commença à produire des films musicaux, dont La Rose blanche (1933) qui consacra à jamais le choix de l’approche occidentale : smokings, jupons, danses chantées sur des rythmes de tango, paso doble et autres, à la grande joie du public qui découvrait une nouvelle forme musicale. M. Dans sa seconde partie, l’exposition présente, sous forme d’installations vidéos, douze traditions musicales orales menacées de disparition. Pouvez-vous nous rappeler l’importance de la tradition orale dans la culture arabe ? K.K. et F.Y.T. Les traditions musicales arabes, mais aussi africaines et amérindiennes, sont toutes orales. Tout comme la musique citadine qui commença à prendre forme au Moyen Orient dès la moitié du XIXe siècle et qui est restée sans annotation, totalement orale. Ainsi, la chanteuse Oum Khalthoum, jusqu’à sa mort en 1975, par fidélité à la tradition, interdisait ses musiciens d’utiliser des partitions : tout était retenu par coeur.
Dans l’exposition, nous présenterons douze traditions filmées sur plusieurs dizaines d’heures, au sein d’installations ne dépassant pas vingt minutes.M. Ces captations vidéos sont le fruit d’un travail de recherche mené sur place durant plusieurs années. Comment se sont déroulées ces enquêtes de terrain ? K.K. et F.Y.T. Il est certain que la plupart de ces traditions sont situées dans des zones géographiques éloignées et souvent d’accès difficile, ce qui explique parfois leur pérennité. Aussi, la visite de certaines régions fut relativement dangereuse, notamment dans le nord de l’Irak, ou extrêmement fatigante tant celles-ci étaient lointaines et isolées, comme dans le sud de l’Algérie où nous avons filmé les Chaâmbas. M. Cette exposition peut-elle aussi se lire comme une réflexion sur le rôle des nouvelles technologies dans la préservation du patrimoine ? K.K. et F.Y.T. Cette exposition traite de la sauvegarde de la tradition. Ainsi, les maisons de disques ont au début du XXe siècle utilisé ce qui était alors une « nouvelle technologie » pour sauvegarder les voix et la musique du XIXe siècle. La Fondation Amar, grâce aux technologies actuelles, est parvenue à restituer ces enregistrements et à les diffuser. Aussi, les traditions orales sont désormais conservées grâce aux dizaines d’heures d’enregistrements vidéo que notre fondation a pu réaliser dans les zones les plus lointaines des pays arabes, avec des entretiens très importants avec les tenants de ces traditions. Ceci aurait été difficile à réaliser sans les petites caméras utilisées aujourd’hui.
Voyagez en musique dans l'exposition
Munissez-vous de vos propres écouteurs et voyagez en musique dans l'exposition « L’Orient sonore » avec l’application conçue par Pierre Giner et Trafik pour l’exposition.
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Éditions
Catalogue d'exposition Collectif, sous la direction de Fadi El AbdallahAuteurs : Tarek Abdallah, Fadi El Abdallah, Aurélien Dumont, Kamal Kassar, Frédéric Lagrange, Jean Lambert, Ali Jihad Racy, Ahmad al-Salhi, Mustafa Saïd, Fadi Yeni Turk Coédition : Mucem / Actes Sud
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Passerelles sonores
Découvrez le projet « Passerelles sonores », dialogue entre les générations sur les thèmes de la musique et de la transmission imaginé par le Mucem et l’association Ancrages
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Capsules « L'Orient sonore » Radio Nova—Les Inrocks
Découvrez quatre capsules audio réalisées par les journalistes Francis Dordor des Inrockuptibles et Baba Squally de Radio Nova : ils nous racontent « L’Orient sonore » sur les pas et les notes de Cheikh Raymond, Naguib Mahfouz, El Anka et Sayed Darwich.
Radio Nova et Les Inrockuptibles sont partenaires de l'exposition.
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Parcours de l'exposition
1. Maisons de disques d’hier : premier récit de sauvetage
L’exposition s’intéresse d’abord à la première « sauvegarde » du patrimoine sonore arabe du début du XXe siècle à travers l’histoire des maisons de disques occidentales qui, à partir de 1903, date du premier enregistrement de musique arabe, ont étendu leurs marchés au monde arabe avant d’être rapidement suivies par des sociétés levantines.
Cette vaste collection musicale patrimoniale est présentée à travers une sélection de 60 enregistrements sonores issus de 78 tours numérisés, que le public est invité à écouter.
Sont aussi présentés des appareils de musique du début du XXe siècle—lecteurs de cylindres, gramophone—, ainsi que 21 galettes originales (78 tours) et des reproductions de photographies d’interprètes des 60 titres.
2. Vidéos d’aujourd’hui : deuxième récit de sauvetage
Dans sa seconde partie, l’exposition présente, sous forme d’installations vidéo, douze traditions musicales orales menacées de disparition pour lesquelles un travail inédit de recherche, de documentation et de captation a été mené sur le terrain entre 2016 et 2019. De l’Irak à l’Afrique du Nord en passant par le Golfe, elles témoignent de la diversité des sons, des chants et de rythmes des musiques arabes, qu’elles soient profanes ou sacrées, d’origines populaire ou savante.
Partenaires et mécènes
En partenariat avec Nova, Les Inrocks et France Médias Monde