Livre - numéro 191 - septembre-octobre 2016 - Sur le dérèglement du système insitutionnel ; Gauche, droite, droitisation : état des lieux

SUR LE DÉRÈGLEMENT DU SYSTÈME INSTITUTIONNEL Le doute se répand quant à l’adéquation de nos institutions à la situation politique du pays. À la veille d’une échéance politique majeure, marquée par une grande incertitude, il nous a paru utile d’interroger quelques observateurs avertis à ce sujet. Nous leur avons soumis le questionnaire suivant : Longtemps tenues pour intouchables, ancrées à gauche par François Mitterrand, les institutions de la Ve République sont désormais sur la sellette. Les Français, qui croyaient avoir touché au port de la stabilité constitutionnelle après une histoire agitée, sont-ils acculés à inventer une VIe République, comme beaucoup semblent le penser ? L’adoption du quinquennat a eu rapidement pour effet de rendre épineuse la dyarchie entre le président de la République et le Premier ministre. Mais, surtout, le surgissement, avec le Front national, d’un troisième parti protestataire et populiste, de surcroît non représenté au Parlement en dépit de son poids électoral, a introduit un doute majeur sur la viabilité du système. Au-delà du mode de scrutin majoritaire, il met en question, avec les conditions de l’élection du président de la République au suffrage universel, la clé de voûte de l’édifice. Le mécanisme semble irrémédiablement faussé par cette irruption. D’où le dilemme : changement apparemment inévitable et, cependant, aussi difficile à concevoir qu’à mettre en pratique. Quelle est votre réaction devant ce qui se présente comme une impasse ’ Si cette analyse vous paraît juste, quelles issues y voyez-vous ? IMPRÉVISIBLES ÉVÉNEMENTS SOCIAUX À côté des classiques mouvements sociaux, il convient sans doute de faire une place à part à des « événements sociaux », caractérisés par des éruptions spontanées et inattendues, qui ont marqué l’actualité depuis deux ou trois décennies. Ils ont valeur de symptômes et méritent d’être scrutés pour ce qu’ils révèlent de l’état de la société. La protestation multiforme qu’a soulevée la « loi travail » ce printemps est du nombre et appelle l’analyse à ce titre. Il fallait d’abord revenir sur l’intention du législateur. Jean-Denis Combrexelle, auteur d’un des principaux rapports qui ont préparé la rédaction de la loi, rappelle les termes du problème français en ce domaine. Les syndicats ont été naturellement en première ligne d’un bout à l’autre de l’affaire. Dominique Andolfatto et Dominique Labbé resituent leurs positions et dressent le bilan de leur action. Mais l’expression la plus originale de l’événement a été le forum qui s’est improvisé place de la République, à Paris, sous le nom de « Nuit Debout ». Gaël Brustier en analyse la nouveauté. Sur le bord politique opposé, le « mariage pour tous » avait suscité en 2013 une explosion protestaire tout aussi imprévue. Laurent de Boissieu fait le point sur l’évolution de la génération militante surgie à cette occasion. GAUCHE, DROITE, DROITISATION : ÉTAT DES LIEUX Primaire à droite, primaire à gauche : la préparation de l’élection présidentielle de 2017 est lancée. Où en sont au juste les forces en présence ’ La gauche au pouvoir peine à maintenir son unité. Thomas Wieder revient sur le développement de ces tensions en faisant le départ entre les vieilles divisions et les nouvelles fractures. La droite n’apparaît pas moins travaillée par des forces centrifuges, à en juger par la campagne de sa primaire. Vrais partages idéologiques ou simples rivalités de personnes ’ Pascal Perrineau dresse la carte de cet émiettement et en pèse les réalités. Alain-Gérard Slama le replace dans la longue durée de la droite et ses permanences. Nombreux sont les analystes à avoir diagnostiqué une droitisation de l’opinion au cours de ces dernières années. François Miquet-Marty et Rafael Guillermo López Juárez passent en revue les données disponibles à l’appui de ce jugement. Pascal Ory examine les signes qui ont accrédité l’idée de ce déplacement depuis les années 1970. Nous joignons au dossier une réflexion d’Antoine Compagnon sur l’actualité d’un paradoxe pointé jadis par Albert Thibaudet : si la politique française penche à gauche, la littérature penche à droite. Où en sont aujourd’hui leurs rapports ? L’ÉCONOMIE, LA COM’ : PERSPECTIVES Quel que soit le résultat de la prochaine élection présidentielle, le gouvernement désigné devra composer avec une conjoncture économique globale et locale dont on peut, d’ores et déjà, entrevoir les contours. Jean Pisani-Ferry en précise les lignes principales. La crise politique rampante que nous connaissons est pour une part essentielle une crise de « communication » entre la base et le sommet, entre le pouvoir et les citoyens. Le recours multiplié aux « communicants » dans la période récente n’a pas eu les effets escomptés, s’il ne s’est montré carrément contre-productif. Faut-il y voir une fatalité liée à la nouvelle ère médiatique, ou bien n’est-ce pas plutôt qu’une autre approche s’impose ’ Revenant sur un entretien avec Jacques Pilhan qui avait fait date, voici vingt ans, Jérôme Batout dessine ce que pourrait et devrait être une explication du pouvoir sur ses actes répondant aux attentes inédites des citoyens.