Livre - Charivaris en Gascogne

Longtemps attachée à l’expérience quotidienne des autres dont elle a pour nous la charge, l’anthropologie interpelle aujourd’hui ses propres compatriotes culturels. Tel est donc le défi qui est lancé à une discipline dont on connaît assez le pouvoir suggestif. Du proche au lointain, de la biologie à la culture, l’anthropologie taille de nouveaux territoires : les cultures régionales, le patrimoine ethnographique, le mouvement social dans les sociétés occidentales… Autour de ces thèmes, des acteurs sociaux, des praticiens et des chercheurs nous livrent, en restant constamment en position d’être jugés, leurs essais, reportages ou réunions de textes. CHARIVARIS EN GASCOGNE “Vers neuf heures du soir, après d’ultimes libations, Casadebat et sa très jeune épouse rejoignirent la chambre nuptiale, la plus belle de la maison, celle qui donnait sur la place. Au moment de tirer les rideaux, un beuglement sourd et lugubre, puis un concert de vieilles poêles, de casseroles et de sonnailles firent sursauter le malheureux : son charivari commençait…” Au temps où les solidarités communautaires s’exprimaient avec éclat, toutes les grandes étapes de la vie des individus étaient ainsi soumises à la vigilance collective. Le charivari, qui sanctionnait les remariages et les unions mal assorties, était inspiré à la communauté par le souci de préserver son équilibre démographique et moral. Mais les États et les Églises, pour qui il était un concurrent ancien et redoutable, tentèrent de remplacer cette tradition populaire orale par des codes et des lois écrites. Pourtant sa vigueur est encore attestée sous des formes diverses - théâtre, chansons, mascarades - dans les Pyrénées et en Gascogne. Là, un environnement culturel bien préservé, une certaine permanence familiale et sociale lui ont permis d’échapper à ses adversaires et au temps.