Livre - Transports ruraux

Porter et transporter, glisser, traîner, tirer sont des actions naturelles en apparence : entendons par là qu’elles dépendent de certains mouvements intentionnels du corps humain, ou de mouvements analogues obtenus de l’animal par répétition et dressage. Rien n’est plus trompeur, cependant, que l’apparence. Car il y a des dizaines de façons différentes d’appréhender un objet, autant d’autres aussi pour le charger sur soi, et un bien plus grand nombre encore pour le mouvoir. Pourquoi en Europe n’a-t-on jamais porté de charge par un bandeau de tête, comme en Amérique, alors qu’on en porte par des bretelles d’épaule ou directement sur la tête, avec l’aide seulement d’un coussin ? Et comment se fait-il que des peuples qui connaissent le travois pour le transport, et la roue pour le rituel n’en sont jamais venus à les composer pour en faire un appareil unique, le char ? Pour quelles raisons économiques, sociales et culturelles continue-t-on d’atteler les chevaux, en France et aujourd’hui encore, ici à la bricole, et là au collier ? À ces questions, comme à tant d’autres, l’étude technique des postures, des mouvements, et du jeu des forces humaines et animales, qui inspire le rassemblement des objets exposés, n’apporte pas, en elle-même, de réponse. Mais elle fournit les moyens d’apprécier l’ingéniosité des trouvailles, l’efficacité des inventions et la signification toujours vivante de quelques-unes des plus grandes innovations. Jean CUISENIER