Livre - Marionnettes, leur manipulation, leur théâtre

Figurer l’humanité par des ombres, des silhouettes ou des poupées, voilà, certes, une activité gratuite. Mais la gratuité n’exclut pas la gravité : l’origine de ces figures remonte à des sources lointaines, graffiti paléolithiques et dessins néolithiques, poupées destinées à l’envoûtement, mystères à personnages animés. Entre le théâtre savant, la succession de ses styles et la variation de ses modes, d’une part, la liesse, les jeux et les divertissements populaires avec la variété de leurs exercices, d’autre part, le théâtre de marionnettes occupe une position unique. Plus vigoureux que le théâtre savant, il simplifie les rôles, accentue les types, va droit à l’essentiel. De l’être humain, il ne retient guère que la figure : l’art de la marionnette, par sa technique, est d’abord sculpture et peinture. Mais à la différence du théâtre élaboré pour la Cour royale et le salon bourgeois, le drame joué par les marionnettes est rarement œuvre personnelle. Comme le conte ou la légende, il mobilise des thèmes lointains, transmis de génération en génération, repris, transfigurés et adaptés par des lignées de montreurs. Faut-il prêter plus d’attention, dans cette continuité des thèmes, à la pérennité de l’épopée médiévale ou à l’expression mélodramatique des sentiments ? Faut-il mettre l’accent sur Pulcinella et la Comedia dèll’ arte, ou bien sur Guignol, Gnafron et Lafleur ? Quelle place donner au théâtre de marionnettes « politique » et aux scènes de mœurs ? Autant de problèmes ouverts que pose le peuple des poupées de bois et de chiffon, énigmatique figure de notre vivante humanité. Jean CUISENIER