Trésors du Mucem

Mai 2018

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Chaque mois, un membre de l’équipe de la conservation du Mucem est désigné pour sélectionner et travailler autour d'objets issus des collections présentés tous les dimanches à nos internautes sur la page Facebook du Mucem.

En mai, Julia Ferloni, conservateur du patrimoine, nous propose sa sélection.


Dimanche 27 mai 2018


 

Sous-vêtements féminins © Mucem

Sous-vêtements féminins © Mucem

Sous-vêtements féminins
5555.2009.cm.5
Syrie, XXIe siècle
Textiles, fourrure synthétique, plastique
Un soutien-gorge transparent rouge en forme de cœur, bordé de plumes synthétiques orange, sur lequel on peut lire « Love » en lettres dorées. Son string de la même couleur, pourvu du même plumage orangé, et agrémenté en son centre d’un cœur rouge en tissu.

Que nous disent ces sous-vêtements de la vie conjugale d’un couple syrien, en 2009 lorsque cet ensemble a été acquis ? Au premier regard, ils nous apparaissent particulièrement kitch. D’autant plus qu’ils sont accompagnés d’une télécommande. Lorsqu’on appuie sur l’un de ses boutons, le string chante « I love you, I love you » d’une voix criarde.

Cette lingerie osée et emplumée était commercialisée dans le souk Hamidiyé de Damas. Elle était uniquement vendue par des hommes. Une fois les modèles choisis par les futures mariées, leurs époux revenaient les acheter. Ces sous-vêtements étaient portés après les réjouissances du mariage et pimentaient les jours et les nuits du nouveau couple.
Vous pouvez contempler cet ensemble dans l’exposition « L’Amour de A à Z » présentée au Fort-Saint-Jean jusqu’au 28 août, à la lettre « D comme devoir conjugal ».

Dimanche 20 mai 2018


Bracelet dumluj © Mucem

Bracelet dumluj © Mucem

Bracelet dumluj
2018.29.1
Egypte, 1980
Argent
6.5 x 5.6 x 0.1 cm
Ce bracelet a été tout récemment acquis par le Mucem, lors d’une mission de terrain au Caire, en Egypte. Depuis deux ans, l’enquête-collecte « Bijoux ethniques, bijoux identitaires. Productions et usages contemporains de la bijouterie traditionnelle dans l’aire méditerranéenne » a permis de collecter en Arménie, Egypte et Sardaigne des objets et témoignages qui viennent actualiser la belle collection de bijoux anciens, provenant des Balkans et du Maghreb, conservée par le musée.
Réalisé au Caire en 1980, ainsi qu’en atteste son poinçon, ce bracelet dumluj en argent est caractéristique de ceux portés depuis plus d’un siècle par les femmes berbères de l’oasis de Siwa, située non loin de la frontière avec la Libye. Les motifs de poisson rendent comptent de la diffusion des formes et des techniques au sud de la Méditerranée : ils sont en effet typiques du Maghreb. Un orfèvre juif de Tunisie, maître Abraham, est célèbre pour avoir lancé au Caire, où il avait installé son atelier, la mode des bracelets ornés de poissons.
L’un des intérêts de ce bijou, en regard de la recherche lancée par le Mucem, est qu’il a été acheté dans une bijouterie de Zamalek, le quartier du Caire où se côtoient Occidentaux expatriés, Egyptiens fortunés, diplomates des ambassades et touristes. Vendus à l’unité, quand d’ordinaire les dumluj sont portés par paire, ils témoignent du goût des milieux socialement aisés pour un type d’objet encore aujourd’hui porté par des personnes issues du monde rural, les femmes de l’oasis de Siwa.

Dimanche 13 mai 2018


Scénographie OR Pascal Rodriguez © Francois Deladerriere

Scénographie OR Pascal Rodriguez © Francois Deladerriere

Moulage des mains d’Edith Piaf
1965.121.5.1
1965.121.5.2
Bebko, avant 1965
Cire, peinture dorée et raphia
22 x 10.1 x 5.3 cm et 20 x 9.2 x 5.8 cm
D’Edith Piaf, on retient la voix d’or qui chantait l’amour et la souffrance, magnifiée sur scène par l’effacement total de son corps, à l’exception de ses mains. Car la Môme servait la musique de son chant bouleversant et de ses mains expressives.

Son grand ami Jean Cocteau l’a bien décrit dans la préface à l’autobiographie de Piaf Le bal de la chance. « Comment chantera-t-elle ? Comment s’exprimera-t-elle ? Comment sortira-t-elle de sa poitrine étroite les grandes plaintes de la nuit ? Et voilà qu’elle chante ou, plutôt, qu’à la mode du rossignol d’avril elle essaie son chant d’amour. […] Édith Piaf, comme le rossignol invisible, installé sur sa branche, va devenir elle-même invisible. Il ne restera plus d’elle que son regard, ses mains pâles, ce front de cire qui accroche la lumière et cette voix qui gonfle, qui monte, qui monte […]. »

L’or fluide de sa voix coule sur ses mains, traduisant en une pantomime saisissante les heurs et malheurs de l’amour, de la vie. Les mains de Piaf incarnent sa voix, au sens premier du terme. Et ce n’est pas un hasard si c’est la couleur dorée qui fut choisie à plusieurs reprises pour recouvrir ses dix doigts. D’autres, en effet, que le duo d’artistes Bebko immortalisèrent le chant d’Edith Piaf par cette partie de son anatomie. Ainsi, le 4 janvier 1954, la firme Pathé-Marconi offrit à la chanteuse, à l’occasion de son millionième disque vendu, le moulage en bronze doré de ses mains.

Dimanche 6 mai 2018


Pavé de mai 68 © Mucem

Pavé de mai 68 © Mucem

Pavé de mai 68
1977.62.122
Granit
10,3 x 8,7 x 10,2 cm ; 1,745 kg
Ce pavé en granit lancé par des manifestants a cassé la vitrine d’un chapelier situé boulevard Saint Michel à Paris le 25 mai 1968. La veille au soir, les manifestants, paysans, ouvriers et étudiants, après avoir défilé sous la bannière de la CGT, se replient sur le quartier latin, suite à un échange musclé avec les CRS aux alentours de la Bastille.

Des barricades sont alors érigées dans la nuit, que les CRS attaquent à coup de grenades lacrymogènes. Le bilan de ce 25 mai est lourd : 795 interpellations, dont 80 femmes, 45 arrestations maintenues; 456 personnes reçoivent des soins dans les hôpitaux, 178 restent hospitalisées, dont 2 policiers.

Le chapelier conserva pendant 9 années ce pavé, en souvenir de cette journée mémorable. Notre musée l’acquit en 1977, lorsqu’il fit entrer dans ses collections l’ensemble de la boutique : enseigne, devanture, décor intérieur, fers à repasser, présentoirs, chapeaux, caisse…

Vous pouvez retrouver ce pavé ainsi qu’un lot d’affiches réalisées par des étudiants de l’école des Beaux-Arts de Paris au cœur-même des manifestations de Mai 68, sur notre site, en suivant le parcours « Mai 68 et les œuvres contestataires : Aux arts, citoyens ! », et également dans l’exposition « Marseille et mai 68 » au musée d’histoire de la ville de Marseille, du 4 mai au 2 septembre.