Ai Weiwei Fan-Tan
Mucem, J4—
Niveau 2
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Du mercredi 20 juin 2018 au lundi 12 novembre 2018
Le Mucem invite l’artiste chinois Ai Weiwei, l’un des acteurs majeurs de la scène artistique internationale. Photographe, architecte, sculpteur, performeur, cinéaste et activiste sur les réseaux sociaux, son œuvre associe la pensée chinoise à l’art contemporain, s’inspirant notamment de Marcel Duchamp et d’Andy Warhol. Si ses créations interrogent nos sociétés avec tant de force, c’est parce qu’elles mettent en scène des objets du quotidien qui par le geste de transformation de l’artiste deviennent des œuvres d’art.
Ai Weiwei est le fils du célèbre poète chinois Ai Qing (1910-1996), qui découvrit l’Occident en 1929 en débarquant à Marseille, sur les quais de la Joliette, à l’endroit-même où se situe aujourd’hui le Mucem.
C’est pourquoi l’artiste nous propose un voyage à travers le temps et son œuvre, qu’il relie à son lignage paternel. Faisant apparaître des résonances inédites, cette exposition nous permet d’aborder le travail d’Ai Weiwei sous un jour nouveau. Ses créations, mises en parallèle à des objets des collections au Mucem, nous invitent à questionner des concepts opposés comme « Orient » et « Occident », « original » et « reproduction », « art » et « artisanat », « destruction » et « conservation ». Mais, avant tout, elles remettent en question nos systèmes d'interprétation.
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Entretien avec Judith Benhamou-Huet, commissaire de l'exposition
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Mucem Pourquoi Ai Weiwei est-il considéré comme l’un des plus grands artistes de la scène contemporaine ? Judith Benhamou-Huet C’est un artiste complet, dans le même esprit qu’Andy Warhol : il crée à la fois des formes – c’est un héritier des artistes surréalistes et de Marcel Duchamp – mais investit aussi de nouveaux domaines, comme les médias sociaux, où il est très efficace. Il appartient pleinement à notre époque et sait communiquer avec les moyens du XXIe siècle : il a ainsi su s’emparer des réseaux sociaux, comme Andy Warhol a pu le faire en son temps, notamment avec la télévision. Enfin, il est un pont entre la culture occidentale et la culture chinoise, même s’il s’est opposé de manière évidente au gouvernement chinois. Son courage a d’ailleurs eu un effet d’exemplarité. Mucem En quoi son œuvre se rapproche-t-elle des thématiques explorées par le Mucem ? J. B. H. Le Mucem est un musée de société, et ses collections témoignent de la vie quotidienne : elles nous racontent la manière dont on se nourrit, dont on se divertit, dont on se vêtit, ce en quoi l’on croit... Ai Weiwei, selon les principes de Duchamp, reprend cette même approche en s’intéressant à des objets du quotidien qu’il transforme en œuvres d’art. L’artiste et le musée partagent donc une matière première commune : l’observation du quotidien. Mucem À travers cette exposition à Marseille, il revient aussi sur les pas de son père… J. B. H. Ai Qing, le père d’Ai Weiwei est l’un des grands poètes de la modernité chinoise. Pour parvenir à créer cette modernité, il s’est frotté aux idées de l’avant-garde en France à partir de 1929. Avant d’aller à Paris, son premier contact avec l’Occident fut le port de Marseille, où il a débarqué. Il a d’ailleurs écrit un poème magnifique décrivant le chaos marseillais de cette époque. La cité phocéenne était alors considérée comme un lieu de modernité, notamment pour son fameux pont transbordeur, véritable monument moderniste à l’architecture métallique, qui intéressa de nombreux photographes de l’époque, comme Germaine Krull ou
László Moholy-Nagy. Marseille était alors la « porte de l’Orient ». Ai Qing est donc arrivé par les quais de la Joliette. On se devait de rendre hommage à ce poète qui a, pendant la révolution culturelle chinoise, été exilé de force vingt ans dans le nord du pays avec pour tâche principale le nettoyage quotidien des toilettes communes d’un village… Ai Weiwei est né à cette époque, et j’imagine que c’est là que réside le point de départ de sa révolte et de son refus de l’injustice.Mucem Comment s’est déroulée la préparation de cette exposition ? J. B. H. Ai Weiwei est venu l’été dernier à Marseille pour découvrir les collections du Mucem et trouver des résonances avec son œuvre. Nous sommes, entre autres, allés sur les traces de son père. Nous avons visité le port marchand où celui-ci avait débarqué, puis la chambre de commerce et d’industrie, où nous avons retrouvé le carnet de bord du bateau sur lequel il avait voyagé. Cela a particulièrement ému Ai Weiwei. Mucem L’exposition met en parallèle des œuvres d’Ai Weiwei avec des objets des collections du Mucem. Quelles correspondances avez-vous pu mettre en évidence ? J. B. H. Elles sont de différents ordres. Ai Weiwei s’intéresse beaucoup à la culture chinoise et à la perception des
Chinois par l’Occident. Dans les collections du Mucem, nous avons pu trouver un grand nombre de ce que l’on appelle des « cartes-réclames », du début du XXe siècle. À l’époque, un sentiment xénophobe qualifié de
« péril jaune » se développait en Europe, dans un contexte de recherche de nouveaux débouchés commerciaux des Occidentaux, qui avait amené à la première et à la deuxième guerre de l’opium. Cela avait entraîné des révoltes de la part de la population locale. Les Chinois étaient alors considérés par les Européens comme des barbares ; et ces cartes-réclames faisaient ainsi l’apologie du soldat français en territoire chinois. On les trouvait dans des produits de consommation comme le chocolat – ce qui nous permet de distinguer une forme de propagande politique à travers des objets du début de la société de consommation. C’est un exemple parmi beaucoup d’autres, du type d’objets qui intéresse Ai Weiwei…Mucem Il s’agit de la première grande exposition consacrée à Ai Weiwei en France. Quelles sont les pièces majeures qui seront présentées ? A-t-il créé des œuvres spécialement pour cette exposition ? J. B. H. Il y a déjà eu une exposition au Jeu de Paume, à Paris, en 2012, mais celle-ci présentait son œuvre de photographe et d’animateur des réseaux sociaux. L’exposition du Mucem est en effet la première de cette importance, en France. Elle est exceptionnelle à deux titres : d’une part, elle présente des pièces réalisées par Ai Weiwei dans les années 1980, lorsqu’il vivait à New York ; un travail inédit, encore rarement montré.
D’autre part, il a en effet créé de nouvelles pièces pour cette exposition, notamment des œuvres en savon de Marseille. Parmi les autres pièces notables, nous pouvons citer la reconstitution d’un temple chinois, ou encore cet immense lustre, créé pour l’exposition selon la méthode du ready-made de Duchamp, mais en y ajoutant une dimension esthétique et une certaine monumentalité : il est en effet constitué d’un ensemble de lustres. En Chine, tous les hôtels qui fleurissent aujourd’hui redoublent de luxuriance avec leurs lustres toujours plus clinquants, plus grands. Il s’agit donc d’un objet « post ready-made », mais aussi d’une référence au nouveau capitalisme chinois.
Commissariat général : Judith Benhamou-Huet, critique d’art et commissaire d’expositions.
Scénographie : Cécile Degos.
- Judith Benhamou-Huet
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Judith Benhamou-Huet est commissaire d’expositions, journaliste et critique d’art pour Le Point, Les Échos et Judith Benhamou-Huet Reports.Elle a fait des études de droit et de sciences politiques. Elle a assuré le commissariat des expositions « Warhol Tv » à la Maison rouge à Paris puis au Portugal et au Brésil, ainsi que de « Mapplethorpe Rodin » au Musée Rodin à Paris. Elle est l’auteure de plusieurs livres dont La Vie noire et blanche de Robert Mapplethorpe (Grasset), Les artistes ont toujours aimé l’argent (Grasset) ou plus récemment Aleijadinho, le Brésil est un sculpteur métis (Les Presses du Réel).
Éditions
Ai Weiwei Fan—Tan
Catalogue de l'exposition, coédition Mucem / Manuella
Sous la direction de Judith Benhamou-Huet
Avec des textes de Judith Benhamou-Huet, Patrick Boulanger, Émilie Girard, Emmanuel Lincot, Hans Ulrich Obrist, Uli Sigg et Ai Weiwei
Parcours de l'exposition
Maison colorée
Colored House est le témoignage d’une Chine traditionnelle en voie de disparition. Cette structure en bois, qui provient de la province de Zhejiang, remonte au début de la dynastie Qing (1644-1912). Laissant la place au développement urbain, la plupart de ces structures ont disparu de Chine.
Ici, la maison est posée sur des socles en cristal et recouverte d’une peinture industrielle contemporaine aux couleurs vives. L’ancien est recouvert par le nouveau.
Savons de Marseille
Ai Weiwei a conçu spécialement pour l’exposition deux savons de Marseille monumentaux, fabriqués dans les règles de l’art marseillais. Sur ces oeuvres d’art qui reprennent l’esprit du « ready–made », sont gravées la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, rédigée en 1791 par la révolutionnaire Olympe de Gouges, exécutée
en 1793. Écrites sur un savon, elles peuvent s’effacer avec l’usage car, symboliquement, le savon est l’objet qui nettoie. Mais lave-t-il les consciences ?
Porte-bouteilles illuminé
Toujours dans l’esprit du « ready-made », Ai Weiwei reprend l’une des pièces emblématiques de Marcel Duchamp : le Porte-bouteilles de 1914 dont il propose une version monumentale. Sur cette silhouette, il a suspendu une série de 61 lustres anciens. Cette pièce inédite est la dernière de la série des chandeliers d’Ai Weiwei qui constituent une sorte de superlatif du clinquant fréquent dans les lieux de luxe de la société chinoise actuelle
Circle of Animals
C’est pour évoquer l’histoire des relations franco-chinoises au tournant des XIXe et XXe siècles qu’Ai Weiwei a conçu l’œuvre Circle of Animals : il s’agit de la copie d’une série de douze sculptures d’animaux illustrant les signes du zodiaque chinois, qui étaient disposées dans une résidence de l’empereur de Chine, le Yuamingyuan, faisant partie du Palais d’été. Si ce lieu avait été conçu comme un paradis taoïste, la fontaine-horloge animée par les douze personnages animaliers avait été dessinée par deux prêtres jésuites (le père Castiglione, un Italien, et le père Benoît, un Français) qui servaient à la cour du fameux empereur Qian Long. Au cours de la seconde guerre de l’opium, en 1860, lors du sac du Palais d’été, elles ont été emportées par les troupes occidentales. Ici, Ai Weiwei pointe du doigt un sujet polémique : en 2009, la mise en vente de deux de ces têtes, qui faisaient alors partie de la collection Pierre Bergé et Yves Saint Laurent, avait suscité une polémique internationale. Elles ont depuis été offertes par le groupe Kering à l’État chinois. Cette pièce interroge la pratique de la copie – une pratique courante de longue date en Chine -, mais aussi la célébration des faits historiques, la spoliation et la nature du droit de propriété.
Téléchargements
Ai Weiwei Fan-Tan, l'art de la re-naissance .pdf Ai Weiwei Fan-Tan, the art of rebirth .pdfPartenaires et mécènes
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