Beyrouth ya Beyrouth
Le Mucem dresse une passerelle entre Marseille et Beyrouth. À travers une programmation pluridisciplinaire mêlant installations, rencontres, performances, cinéma et concerts, il s’agit de faire découvrir ses réalités contemporaines. « Mémoires, guerres et représentations » : ces trois mots sont les fils conducteurs d’une programmation qui se déploie en plusieurs moments.
Installations et parcours : le Mucem aux couleurs du Liban
Le fort Saint-Jean se métamorphose : cèdre suspendu, images projetées, films, installations visuelles et sonores… Autant de visions singulières et d’évocations poétiques de Beyrouth, à découvrir au fil de multiples parcours imaginés par le plasticien Patrick Laffont, avec Zeina Abirached (illustratrice), Rani Al Rajji (conteur urbain) et Ghassan Salhab (cinéaste).
Rencontres : de Jean Genet à la nouvelle scène littéraire
À travers une série de trois rencontres dédiées à Jean Genet (les 4 et 5 mai), résonne la voix de l’auteur du Captif amoureux, en écho avec l’exposition qui lui est consacrée. Place ensuite à la nouvelle scène littéraire libanaise : trois journées (du 6 au 8 mai), pour donner un aperçu de la richesse de ce qui s’écrit aujourd’hui de l’autre côté de la Méditerranée, conclues en musique par un concert de Rima Khcheich en plein air.
Cinéma : cinéastes libanaises engagées
Soirée cinéma avec le film Nahla de Farouk Beloufa (le 20 mai), suivie d’un week-end consacré aux cinéastes libanaises engagées (les 21 et 22 mai), avec une sélection de films dont certains furent (ou sont toujours) interdits de diffusion dans leur pays d’origine.
Performances : la création contemporaine en scène
Les 4 et 5 juin, trois performances artistiques évoquent le Liban entre mémoire et actualité. La tour du Fanal ouvre exceptionnellement ses portes pour accueillir l’installation-performance de Sirine Fattouh. En parallèle, le Dictaphone Group propose une exploration du pays à travers la question des frontières et l’artiste cinéaste Ahmad Ghossein nous mène à la rencontre d’étranges monuments.
Concerts de clôture
Le 18 juin, rendez-vous au fort Saint-Jean dès 19h, avec Gurumiran et son électro-rock empreint de sonorités orientales, avant le concert à la belle étoile du maître oudiste Rabih Abou-Khalil.
Entretien avec Rani Al Rajji
Architecte, designer, DJ et conteur urbain, fondateur de Studio Beirut.
Il propose l’installation / parcours sonore Pas de mer à Beyrouth.
Mucem |
Comment va Beyrouth ? |
Rani Al Rajji |
Beyrouth souffre de l’oubli : une amnésie due à la guerre civile des années 1980. En Europe, on associe en effet encore Beyrouth à la guerre, alors que l’essence et la mission de cette ville, c’est d’être un creuset des cultures de l’Orient et de l’Occident. L’Orient, c’est le « Levant » de notre imaginaire, ce sont les contes qu’on raconte aux enfants, mais aussi la |
Mucem |
Vous êtes à la fois architecte et conteur urbain : une façon, justement, de recréer le lien entre la ville et son imaginaire : est-ce aussi dans cet esprit que vous avez créé le collectif d’artistes et d’architectes « Studio Beirut » ? |
Rani Al Rajji |
Studio Beirut veut promouvoir la vitalité des espaces publics en ville. Pendant les années de conflit, les lieux abandonnés en premier furent les espaces publics. Ceux-ci ne sont pour autant pas réapparus avec le retour de la paix : les autorités privilégient des espaces dont l’accès est réglementé, et donc contrôlables. Ce qui n’est pas sans incidence sur la vie et la mentalité des gens. Pour Studio Beirut, promouvoir l’ouverture d’espaces publics, c’est promouvoir le dialogue ; c’est retrouver la culture du trottoir et de la corniche en bord de mer, avec tout l’impact que cela peut représenter pour la vie de la cité. |
Mucem |
Pourquoi avoir nommé votre installation |
Rani Al Rajji |
À Beyrouth et au Liban, la mer est jugée incontrôlable par les décideurs qui désirent en premier lieu l’apprivoiser : pour eux, pouvoir y accéder visuellement est beaucoup plus important que pouvoir y accéder physiquement. Car cela a un prix. Ainsi, à Beyrouth, la plus grande partie du littoral est bétonnée, il reste très peu d’espaces naturels. Toutes ces opérations immobilières poussent les gens vers les collines. Alors que, géographiquement, Beyrouth est une péninsule, aujourd’hui, la ville tourne le dos à la mer : c’est une aberration dangereuse ! Car le lien avec la mer est la raison d’être de Beyrouth : la ville est la fille du port. |
Mucem |
Vous avez découvert Marseille pour la première fois, afin de préparer votre projet pour le Mucem. Quel regard portez- vous sur cette ville ? |
Rani Al Rajji |
Mon voyage à Marseille fut une révélation. Quand j’ai vu le rapport qu’entretient Marseille avec son port, j’ai pensé à tout ce que Beyrouth n’a plus : la possibilité de communier avec la mer. Une ville ne se juge pas à ses problèmes économiques. Une ville, c’est là où les gens peuvent se rencontrer, un lieu multiculturel. Voir Marseille m’a attristé pour Beyrouth : tant d’occasions ratées ! Mais je sais aussi qu’ici, cette connexion entre la ville et son port est récente. Pour Beyrouth, c’est un espoir. On peut redresser le navire : Marseille peut devenir l’exemple d’un avenir possible. |