Livre - numéro 30/31 - 2001/2002 - Archives et anthropologie

L’essentiel de ce numéro de GRADHIVA est consacré à un dossier intitulé Archives et anthropologie. Il apporte, à propos de la discipline ethnologique, une contribution aux préoccupations et aux réflexions concernant l’ensemble des archives scientifiques aujourd’hui. Dans ce dossier où se côtoient des spécialistes de la documentation et des chercheurs de terrain, l’accent est mis sur l’urgence qu’il y a à penser les lieux, les méthodes de conservation et de consultation, ainsi que sur la nécessité d’élaborer une véritable politique archivistique des institutions scientifiques. Jusqu’à présent, les anthropologues n’ont guère cherché à laisser une trace des formes et des modes de fabrication de leurs travaux. On sait peu de choses sur les pratiques de terrain ou les positions intellectuelles qui ont marqué la production de la recherche. L’élaboration des œuvres anthropologiques ne s’est pas accompagnée, du moins en France, d’une prise de conscience sur les moyens de construction d’une mémoire de la discipline et donc de faisabilité de son histoire. L’ethnologue, comme tout scientifique, fabrique « son » archive. Celle-ci est constituée de matériaux de tous types qu’il a recueillis sur le terrain, puis classés, annotés, enrichis de ses propres réflexions, analyses ou émotions. Dès lors elle revêt un statut singulier qui la place entre public et privé, entre preuve matérielle et trace d’un savoir-faire. Pour toutes ces raisons et d’autres, explorées dans ce dossier, nous pensons qu’il serait temps que les chercheurs s’interrogent sur la manière de constituer leurs archives, et sur la relation « tragique et inquiète » comme le dit Jacques Derrida, qu’ils entretiennent avec elles, oscillant entre le désir absolu de tout garder et celui de tout effacer. Ce numéro de Gradhiva présente également une conférence de Mary Douglas : Nostalgie de Lévy-Brubl, un article de Jacqueline Duvernay : Oral et écrit de Bous à Lévy-Strauss et un texte de Mondher Kilani : Cannibalisme et métaphore de l’humain. Enfin, on y trouvera relaté un débat d’actualité qui oppose les anthropologues entre eux à propos de l’exposition, dans les musées, d’objets indigènes.