Livre - Croyances et coutumes

Animal et nu vient au monde le nouveau-né. Mais la manière dont il a été conçu et porté, la technique selon laquelle il a été enfanté le marquent culturellement déjà, et l’exposent, d’emblée, aux pratiques qui, sa vie durant, façonneront son existence. Du berceau à la tombe, des rites organisent, dans la société française traditionnelle, les passages de classe en classe d’âge. Du Jour de l’an à Noël, des coutumes ordonnent le temps de l’année calendaire, des croyances donnent aux usages, aux pratiques et aux rites, orientation et sens. Mais ces grands cycles ne sont .pas seuls à offrir une matière aux coutumes et aux croyances. Les labours et les semailles, la récolte et la vendange, le bornage et le partage sont réglés, ici et là, par mille usages distincts, orientés par mille croyances différentes. Tous les actes de la vie individuelle et sociale, en vérité, se prêtent par quelque aspect à la régulation coutumière. L’avenir n’y échappe pas, et la variété est innombrable des pratiques divinatoires, des magies prophylactiques, des soins symboliques donnes au corps. Les grandes religions elles-mêmes, majoritaires comme le catholicisme, minoritaires comme le protestantisme et le judaïsme, font, en marge du dogme et de la liturgie, l’objet d’interprétations populaires : combien d’usages particuliers, lors des pèlerinages, ne prennent-ils pas valeur de rite, combien de dévotions spéciales ne fonctionnent-elles pas comme des pratiques sacramentelles ? Mais dans l’univers des croyances pt des coutumes, comment, sinon par référence aux hiérarchies sociales, distinguer le profane et le, sacré, le rituel et le coutumier ? Faut-il même ici tracer une ligne de partage ? Les croyances et les pratiques populaires ne reposent-elles pas, bien plutôt, sur une négation active de ces différences, sur la conviction affirmée que l’existence a plus que des sens, qu’elle a un sens ? Jean CUISENIER