Livre - Et j'ai cassé mon fusil

Qui a lu les premières lignes de ce livre ne s’arrêtera plus. Un homme parle et sa langue colorée, sa haute voix nous accrochent. Il s’appelle Jean-Baptiste Emmanuelli et il dit sa vie et il déballe son cœur. « Des souvenirs, j’en ai des malles pleines. » Il raconte Toulon, les Calanques, la Provence, l’avant-guerre qui bascule tout à coup en 1939 dans la tragédie. Drôle de guerre d’abord. Emmanuelli en sort, désorienté. Il fréquente à Paris le « milieu » corse. En 1941 il a vingt-quatre ans et « la charpente d’un taureau ». Sans bien se rendre compte de son choix, il s’engage pour échapper à l’atmosphère de l’occupation et le voici sur le front de l’Est, sous l’uniforme allemand. Là, il découvre la vérité. De la guerre et des exterminations en masse commises par les Allemands. Alors il se révolte, s’échappe. Et le livre est plein de ses imprécations. Le récit qu’il fait de la guerre à l’Est ne s’oubliera pas. Emmanuelli jure qu’il ne reprendra plus un fusil, mais l’engrenage tourne et l’entraîne. A la Libération, pour échapper à la justice, le voici « truand », taulard, légionnaire. Mais, au Vietnam, il ne se bat pas. Il a définitivement « cassé son fusil ». C’est un homme hanté par son passé, que ses « souvenirs prennent d’assaut », qui évoque ici l’extraordinaire aventure qu’a été sa vie. Non pas pour le plaisir de faire un livre, mais pour revendiquer, au nom de ce qu’il a vécu, son droit de « vivre enfin en paix ».