Livre - numéro 33 - 2021 - Wampum : les perles de la diplomatie

2PC AET 19

Description

Livre

Núñez-Regueiro Paz

Stolle Nikolaus

Vers le tout début du XVIIe siècle en Amérique du Nord-Est, alors que la France étend son emprise coloniale dans la région, de petites perles cylindriques en coquillage, les wampums – ou « porcelaines » pour les Français - commencent à être utilisées comme objets d’échange entre Amérindiens et Européens. Chez les nations autochtones, le wampum a un usage social et politique bien établi, ornant souvent les objets de prestige. Certaines nations iroquoiennes en font des colliers tissés et des ficelles de perles qui servent à matérialiser la parole donnée. Dans un monde de l’oralité où l’écrit n’a pas encore sa place, les nations européennes se plient aux protocoles autochtones, et adoptent ces « perles qui parlent » pour négocier alliances et traités. Ainsi débute une histoire vieille de plus de quatre siècles au cours de laquelle les sens et valeurs du wampum évoluent au gré des bouleversements politiques et culturels qui affectent la région et mettent à mal l’autonomie amérindienne. Cette exposition part sur les traces des exemplaires de wampums conservés en France, parmi les plus anciens au monde, et revient sur leurs significations et leurs usages à travers le temps. Le dialogue engagé à cette occasion entre les collaborateurs abénaki, français, huron-wendat et haudenosaunee (iroquois) revisite les relations issues de la rencontre de deux mondes, les traditions autochtones, l’adaptation européenne à ces traditions, la mythologie iroquoienne et le monde amérindien aux XVIIe-XIXe siècles, ainsi que le rôle des wampums dans nos sociétés contemporaines, objets de musées mais aussi de créations artistiques, des cérémonies et des revendications autochtones d’aujourd’hui.

SOMMAIRE, p. 3 CARTES, p. 4 INTRODUCTION, p. NÚÑEZ-REGUEIRO Paz et STOLLE Nikolaus, Wampum. Perles de diplomatie en Nouvelle-France, p. 6 DOSSIER, p. 22 HAVARD Gilles, Le rôle médiateur du wampum dans la diplomatie franco-amérindienne (XVIIe-XVIIIe siècles), p. 23 Fabriqué à partir de perles en coquillages de mer, le wampum fut un objet de médiation utilisé par les Amérindiens du Nord-Est, particulièrement les Iroquois et les Hurons, dans leurs relations avec les colons de la Nouvelle-France aux xvii e et xviii e siècles. Lors des conférences franco-amérindiennes, Autochtones, mais aussi représentants du roi de France, exhibaient ainsi des « colliers de porcelaine » pour faciliter leurs échanges, dans l’esprit de réconciliation et d’apaisement caractéristique de la culture iroquoienne des condoléances. Plus qu’une simple matérialisation de la parole donnée, le wampum était investi par les Amérindiens de qualités sensibles censées garantir l’efficacité même de cette parole. TURGEON Laurier, Perles et colliers en coquillage en France et en Amérique du Nord au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, p. 40 Les chercheurs s’accordent à dire que le collier de wampum est un objet nouveau apparu chez les Autochtones du nord-est de l’Amérique du Nord dans la première moitié du xviie siècle. Cependant, le contexte et les causes de la genèse de cet objet sont encore peu et mal connus. Les archéologues et les ethno-historiens ont souvent tenu pour acquis que les perles en coquillage dont il est fait sont d’origine autochtone, suivant une longue tradition ayant perduré jusqu’à l’époque coloniale. Si cette continuité existe, nous considérons que le wampum est aussi le produit de changements profonds. Il s’agit en effet d’un nouvel outil de communication interculturelle né des bouleversements provoqués par la colonisation européenne du XVIe siècle et de la première moitié du XVIIe. Les travaux ont jusqu’à présent surtout abordé le rôle des Hollandais et des Anglais, négligeant celui des Français dont l’importance dans les échanges des perles et l’apparition du wampum est pourtant admise. Notre étude entend donc combler cette lacune par une analyse interdisciplinaire, combinant sources écrites et collections archéologiques. STOLLE Nikolaus, Un collier pour les lier, un collier pour les trouver, un collier pour les ramener tous chez eux, p. 60 Pendant plus de deux cents ans, les colliers de wampum ont entretenu des relations étroites avec la guerre et les casse-têtes chez les Iroquoiens. Ce texte se propose d’en expliquer la fonction à partir de l’étude de quelques-uns des plus anciens casse-têtes connus à ce jour appartenant à des collections parisiennes. Les wampums étaient nécessaires pour compenser la perte d’un proche. En adoptant leurs prisonniers, les Premières Nations parvinrent à lutter contre la baisse démographique dans leurs rangs. Les colliers de wampum teintés de rouge ont disparu mais leur souvenir est resté, car ils identifiaient publiquement les chefs de guerre. Tombés en désuétude après la Révolution française, les casse-têtes collectionnés sous l’Ancien Régime, extrêmement bien conservés, offrent une occasion unique de se pencher sur le passé. Ils sont le témoin de pratiques de communication non verbale révolues dont la disparition coïncide avec la perte d’autonomie des Premières Nations. NÚÑEZ-REGUEIRO Paz et STOLLE Nikolaus, Une histoire des wampums nord-amérindiens arrivés en France entre 1678 et 1845, p. 78 Cet article examine les traces documentaires permettant de mieux connaître les sources et les modalités d’arrivée en France d’un ensemble de pièces de wampum ou perles en coquillage, conservées principalement à Paris (musée du quai Branly–Jacques Chirac), mais aussi à Chartres, Lille et Besançon. L’intérêt et la difficulté de cette recherche tiennent à l’ancienneté de ces pièces, datant pour la plupart d’avant 1760 et la perte des implantations coloniales françaises en Amérique du Nord. La traçabilité de leur histoire dans la documentation de l’époque a le plus souvent souffert de la césure révolutionnaire, de nombreuses collections privées et royales ayant été profondément réorganisées ou démantelées. Ainsi, sur la vingtaine de pièces dont on peut attester qu’elles ont été envoyées en France, soit dans un contexte officiel ou diplomatique, soit à travers des réseaux de collectionneurs, seule une dizaine peut être mise en relation avec des objets arrivés jusqu’à nous. LAINEY Jonathan, Les wampums au Québec du XIXe siècle à aujourd’hui Appropriation, disparition, identification, p. 98 Après plus de deux siècles de circulation régulière dans des contextes diplomatiques impliquant les nations autochtones et européennes du nord-est de l’Amérique, les colliers de wampum virent leur utilisation réduite au XIXe siècle. Depuis l’affaiblissement de leur rôle politique jusqu’à leur intégration dans des collections privées ou muséologiques, l’histoire de ces objets prit différentes formes et suivit plusieurs directions. La présentation de cas particuliers de wampums ayant été ou étant toujours conservés sur le territoire actuel du Québec est utile pour expliquer en partie pourquoi ces objets de nature collective ont pu sortir de leur communauté d’origine pour se retrouver dans des musées. Ces exemples servent aussi à illustrer la manière dont une signification ou fonction nouvelles ont été imposées aux wampums par les collectionneurs privés non autochtones au détriment du sens initial que leur attribuaient leurs propriétaires d’origine. JEMISON Peter, JACOBS Jamie et GALBAN Michael, Le wampum, une tradition vivante, p. 118 Le présent texte est issu d’une collaboration entre les Hodinöhsö:ni’ (ou Haudenosaunee), longtemps appelés Iroquois, et le musée du quai Branly–Jacques Chirac. L’histoire des relations entre les musées et les peuples autochtones est jalonnée d’erreurs d’interprétation et d’idées fausses. Connaître le savoir traditionnel des peuples autochtones est crucial pour comprendre la manière dont ils sont susceptibles d’appréhender une exposition ou un objet matériel. Dans certaines nations, par exemple celle des Hodinöhsö:ni’, les porteurs culturels peuvent compter sur une tradition forte, codifiée et inscrite dans la continuité, fixant la manière d’en transmettre le contenu à la génération suivante. Grâce à cela, le cœur de la culture des Hodinöhsö:ni’ est resté intact pendant plusieurs siècles. Chez les Hodinöhsö:ni’, certains individus ont réussi à développer, grâce aux rôles qu’ils ont joués au sein de la communauté et à leur détermination personnelle, une compréhension approfondie de la vision du monde, de la culture et de l’histoire de leur peuple. La réalisation de travaux historiques et l’émergence d’une communauté de chercheurs ont en outre permis d’alimenter l’histoire orale de ces traditions. C’est à partir du moment où la recherche académique et les voix traditionnelles se mêlent qu’on peut commencer à entrevoir un avenir où toutes ces connaissances accumulées profitent à tous. ENTRETIEN O’BOMSAWIN Nicole, FORT Clémence, NÚÑEZ-REGUEIRO Paz, STOLLE Nikolaus et VARISON Leandro, Entretien avec Nicole O’Bomsawin. Le wampum et la culture abénakise, entre passé et présent, p. 132 Anthropologue et muséologue de formation, Nicole O’Bomsawin est originaire d’Odanak, et membre de la Première Nation des Abénakis. Entre 1986 et 2006, elle a dirigé le Musée des Abénakis, première institution muséale autochtone du Québec fondée en 1965. Aujourd’hui enseignante d’anthropologie à l’institut Kiuna et collaboratrice de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) au Québec, elle œuvre notamment à l’établissement de nouvelles stratégies pour la promotion d’une collaboration plus étroite entre les institutions publiques et de recherche et les communautés autochtones. Elle est aussi engagée auprès de l’organisme Kapakan, qui encourage le travail avec les aînés et coordonne de nombreux évènements et rencontres intergénérationnels. Également conteuse, Nicole O’Bomsawin participe à des festivals de contes pour faire connaître l’imaginaire des Premières Nations. Son travail pionnier au musée d’Odanak et son engagement pour la préservation de la tradition orale et la transmission des savoirs autochtones en font l’une des figures de proue de la muséologie et de la culture autochtones au Québec. ARCHIVES BALLOY Benjamin, Je mets encore un mot sur ce collier, p. 144 Manuscrits anonymes rédigés vers 1726, présentés par Benjamin BALLOY Mémoire concernant les colliers de porcelaine des Sauvages, leurs différents usages, et la matière dont ils sont composés, p. 147 Paroles des Sauvages Iroquois à M. Le Marquis de Beauharnois lorsqu’ils le virent pour la première fois et qu’ils pleurèrent la mort de feu M. le Marquis de Vaudreuil en 1726 à Montréal, p. 151 LEXIQUE HISTORIQUE DES TERMES, p. 158